Meilleurs Vœux pour 2018

CROCE & Associés SA vous souhaite ainsi qu’à votre famille de merveilleuses vacances ainsi qu’une heureuse année remplie de santé, de paix et de joie.

Nous nous réjouissons d’ores et déjà de vous retrouver en janvier prochain.

Happy New Year 2018

Nouvelles obligations déclaratives sur les valeurs mobilières dès 2018

La Loi fédérale sur l’infrastructure des marchés financiers (RS 958.1, LIMF), entrée en vigueur début 2016, obligera dès janvier 2018 les participants (négociants en valeurs mobilières, participants étrangers autorisés par la FINMA, etc.) admis sur une plate-forme de négociation, à communiquer toutes les informations nécessaires à la transparence de la négociation des valeurs mobilières.

A noter que des obligations similaires existent déjà ou seront complétées (selon les types de contrepartie) pour les dérivés OTC et ET. Ce thème ne sera pas abordé ici.

Les plates-formes de négociation (concrètement les bourses (SIX Swiss Exchange, la BX Berne eXchange) et les systèmes multilatéraux de négociation) devront pouvoir surveiller de manière étendue la formation des cours et les transactions effectuées en leur sein afin de pouvoir détecter l’exploitation d’informations d’initiés, les manipulations de cours et de marché et toute autre violation de dispositions légales ou réglementaires. En cas de soupçon d’infraction, la FINMA et éventuellement les autorités de poursuites pénales seront informées.

Les négociants en valeurs mobilières non-admis à une plate-forme de négociation seront également soumis aux mêmes règles de transparence et de communication (article 15 alinéa 2 de la Loi fédérale sur les bourses (LBVM ; RS 954.1)).

L’obligation de déclarer s’appliquera à toutes les transactions d’un participant (achat, vente, etc.), effectuées pour son propre compte ou pour le compte d’un client, portant sur des valeurs mobilières.

Devront notamment être déclarés :

    • la désignation et le nombre de valeurs mobilières achetées ou vendues ;
    • le volume, la date et l’heure de la conclusion de l’opération ;
    • le cours ;
    • les informations nécessaires permettant d’identifier l’ayant droit économique (nouveau !).

La notion d’ayant droit économique sera la même que celle utilisée dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent.

Toutefois, les personnes morales exerçant une activité opérationnelle, les fondations et les placements collectifs de capitaux seront identifiés au moyen de leur « Legal Entity Identifier » (LEI), qui est normalisé sur le plan international. En l’absence de LEI, il sera possible de déclarer le BIC (business identifier code) ou le numéro du registre du commerce précédé du code pays. Dans le cas de trusts, il conviendra de déclarer le trustee.

Pour les personnes physiques, l’identification se fera par la déclaration de la nationalité (selon un code pays), la date de naissance ainsi qu’un chiffrement confidentiel interne du participant. Ainsi, le nom et le prénom de la personne concernée ne seront pas communiqués.

La Bourse de Zürich, le lieu de négoce des valeurs mobilières en Suisse

On relèvera toutefois qu’il n’en ira pas de même s’agissant des opérations effectuées sur le marché européen (y compris pour les résidents suisses). En effet, MiFID II/MiFIR impose que les cinq premières lettres du prénom et du nom soient communiquées aux autorités (code CONCAT). Toutefois, une déclaration de chiffres tels que le numéro de passeport, le numéro personnel ou encore le numéro de sécurité sociale est possible et a été adoptée par de nombreux pays de l’UE qui ne connaissent pas le code CONCAT.

Echange automatique d’informations (EAR) et dénonciation spontanée en Suisse

Dans une prise de position du 13 septembre 2017, l’Administration fédérale des contributions (AFC) a fait savoir qu’à compter du 30 septembre 2018, elle n’acceptera plus une dénonciation spontanée portant sur des éléments fiscaux faisant l’objet de l’échange automatique d’informations (EAR).

L’AFC estime que les données fiscales obtenus par l’EAR seront connues des autorités au plus tard à cette date et partant que le contribuable qui se dénonce ultérieurement le fait uniquement parce qu’il sait que les autorités sont au courant de sa situation fiscale irrégulière.

Pour l’échange d’informations qui prendrait naissance après 2017, cette règle s’appliquera par analogie à compter du 30 septembre de l’année durant laquelle l’EAR concerné aura lieu pour la première fois.

Les autres cas de figure ne sont pas concernés et le délai pour procéder à une dénonciation spontanée est indéterminé (par exemple, la déclaration volontaire d’un contribuable résidant en Suisse et disposant d’un compte bancaire dans ce pays. En effet, il n’y a pas d’échange automatique d’informations fiscales à l’interne).

Pour rappel, la procédure de dénonciation spontanée permet à tout contribuable qui aurait omis de déclarer certains éléments de ses revenus ou de sa fortune de corriger sa situation fiscale, sans amende ni poursuite pénale (des intérêts de retard sont toutefois dus). Cette procédure s’applique également aux héritiers et concerne tant les impôts cantonaux et communaux que l’impôt fédéral direct.

Les conditions suivantes doivent être remplies :

  • La dénonciation doit être spontanée et pour la première fois ;
  • Aucune autorité fiscale n’a eu connaissance de la soustraction ;
  • Le contribuable collabore pleinement avec le fisc pour déterminer le montant du rappel d’impôt ;
  • Le contribuable s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû.

Le récapitulatif des éléments soustraits est établi sur les 10 dernières années (par exemple si l’annonce intervient en 2017, le rappel d’impôt portera sur les périodes fiscales de 2007 à 2016).

S’agissant des héritiers (qui peuvent agir indépendamment les uns des autres), le rappel d’impôt ne porte que pour les 3 périodes fiscales précédant le décès, ce qui rend la démarche très intéressante.

Ce rappel d’impôt simplifié est exclu en cas de liquidation officielle de la succession ou de liquidation de la succession selon les règles de la faillite.

Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l’amende est réduite au cinquième de l’impôt soustrait si les autres conditions susmentionnées sont remplies.

Si l’AFC découvre une soustraction d’impôts hors de toute procédure spontanée, le contribuable risque :

  • un supplément d’impôt sur les 10 dernières années majoré des intérêts moratoires,
  • une amende de 1/3 à 3 fois le montant de l’impôt soustrait,
  • une poursuite pénale.

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CROCE & Associés SA assiste régulièrement les particuliers dans leur processus de régularisation fiscale. Une étude approfondie préalable est effectuée en coordination avec les autres intervenants (banques, fiduciaires, notaires, etc.) en vue de compiler les données et d’évaluer les coûts de la déclaration spontanée, afin que le client puisse prendre une décision en toute connaissance de cause.

BEPS et échange des déclarations pays par pays : les multinationales dans le collimateur du fisc

Ce sont les multinationales comme les GAFA qui sont visées par le projet BEPS.

Le projet BEPS

L’Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après « l’OCDE ») et les États membres du G20 ont conjointement mis en place en février 2013 un nouveau projet fiscal intitulé « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS).

Ce projet fait suite à plusieurs scandales (par exemple Luxleaks) notamment concernant les sociétés Amazon ou Starbucks et vise d’une part à contrer l’optimisation fiscale dite « agressive » des multinationales et d’autre part à lutter contre le transfert de bénéfices et l’érosion de la base imposable. En clair, on veut empêcher que des groupes d’entreprises internationaux, profitant des disparités législatives entre les États, ne transfèrent les bénéfices qu’ils réalisent dans des pays où ils possèdent d’importants marchés vers d’autres juridictions disposant d’une imposition avantageuse ou nulle, engendrant ainsi des économies substantielles d’impôts. L’idée centrale est d’imposer les bénéfices au lieu où les activités qui les ont générés ont été réalisées.

L’OCDE a mené ce projet en un temps record de deux ans aboutissant en octobre 2015 à l’adoption de quinze actions et de treize rapports.

La Suisse en tant qu’État membre de l’OCDE doit maintenant mettre en place dans sa législation interne les mesures décidées par l’Organisation. En effet, les États participant doivent tous opérer des changements au niveau de leur droit et de leur pratique afin de créer des règles uniformes (level playing field) et d’empêcher la concurrence fiscale dommageable. A noter que certaines de ces mesures sont considérées comme des normes minimales et sont obligatoires pour les États alors que d’autres ne sont que des recommandations.

Notre pays a déjà concrétisé certaines d’entre elles comme par exemple l’échange spontané de renseignements dès 2018 sur les rulings fiscaux, suite à l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017 de la Convention du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.

D’autres mesures sont en passe d’être adoptées comme la procédure amiable en matière de règlement des différends et l’introduction de clauses anti abus dans les conventions contre les doubles impositions (CDI). En effet, la Suisse a signé en juin 2017 la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Sur la base de cette convention, la Suisse pourra adapter rapidement les CDI qu’elle a conclues afin que ces dernières soient conformes aux standards minimaux convenus dans le cadre du projet BEPS. La procédure d’approbation par le Parlement doit toutefois encore être menée. La Convention sera mise en consultation par le Conseil fédéral d’ici la fin de l’année.

Enfin, d’autres mesures sont encore en discussions comme l’abandon des régimes préférentiels pour certains types de sociétés ou l’imposition des patent et IP boxes (projet « PF17 »).

L’échange automatique entre autorités fiscales des déclarations pays par pays fait également partie des mesures du projet BEPS et sera discuté ci-après.

Les déclarations pays par pays, une mesure du projet BEPS

De quoi s’agit-il ?

L’échange automatique des déclarations pays par pays vise à rendre plus transparente l’imposition des entreprises multinationales. Il constitue l’un des standards internationaux minimaux du projet BEPS.

Concrètement, il est prévu d’échanger entre les administrations fiscales des pays, des informations relatives à la répartition mondiale des chiffres d’affaires et des impôts acquittés d’un groupe d’entreprises multinationales qui réalise des résultats annuels importants. On cherche à atteindre les grosses sociétés actives au niveau mondial comme Microsoft, Google, Amazon ou encore Apple.

Le Parlement a ainsi adopté le 16 juin 2017 la Loi fédérale sur l’échange international automatique des déclarations pays par pays des groupes d’entreprises multinationales (Loi sur l’échange des déclarations pays par pays, LEDPP) ainsi que l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays (accord EDPP), signé par la Suisse le 27 janvier 2016 et qui regroupe plus de 60 pays.

Lors de sa séance du 29 septembre 2017, le Conseil fédéral a de son côté adopté l’Ordonnance sur l’échange international automatique des déclarations pays par pays des groupes d’entreprises multinationales (OEDPP).

Qui est concerné ?

Sont obligés d’établir une déclaration pays par pays, les groupes d’entreprises multinationales dont la société mère est résidente en Suisse (c’est-à-dire assujettie à l’impôt selon les articles 50 de la Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD) et 20 alinéa 1 de la Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)) et qui réalisent, durant la période fiscale précédant celle déclarable, un chiffre d’affaires annuel consolidé dépassant les CHF 900 millions.

Selon les chiffres des autorités, environ 200 multinationales devraient être concernées dans notre pays.

A noter que l’expression « groupe » désigne un ensemble d’entreprises qui sont soumises au contrôle d’une personne morale tenue d’établir des comptes consolidés au sens des articles 963 alinéa 1 à 3 du Code des obligations suisse (CO).

Qui est responsable de faire la déclaration ?

Il appartient en principe à la société mère de communiquer toutes les informations nécessaires à l’Administration fédérale des contributions (AFC). Il y a toutefois la possibilité de désigner une société mère de substitution, y compris à l’étranger à certaines conditions. L’administration fiscale se chargera ensuite de transmettre les données récoltées à ses homologues étrangers dans les pays avec lesquels la Suisse a un accord et où se trouvent des entités constitutives du groupe. A noter que la loi prévoit également la transmission des informations aux administrations fiscales cantonales en cas d’entités multiples situées dans différents cantons en Suisse.

A l’inverse, l’AFC transmettra aux cantons chargés du prélèvement des impôts directs, les déclarations pays par pays qu’elle a reçues des États partenaires.

On relèvera que l’AFC peut également prescrire à toute entité constitutive d’un groupe se trouvant en Suisse, de lui fournir une déclaration pays par pays si la société mère ne se trouve pas dans une juridiction partenaire ou si cette dernière présente une défaillance systémique.

Quels sont les délais ?

L’obligation de s’annoncer auprès de l’AFC doit être remplie au plus tard 90 jours après la fin de la période fiscale déclarable.

La déclaration elle-même est annuelle et doit être soumise dans les 12 mois dès la fin de l’année fiscale. En cas de défaillance, l’amende s’élève à CHF 200 pour chaque jour de retard jusqu’à concurrence de CHF 50’000 au maximum.

Contenu de la déclaration ?

Les déclarations pays par pays contiendront des informations relatives :

–        à la répartition mondiale des chiffres d’affaires (totaux, en relation avec des entreprises associées et non associées) ;

–        aux bénéfices et aux pertes avant impôts ;

–        aux impôts acquittés et dus pendant l’année en cours ;

–        au capital social ;

–        aux bénéfices non distribués ;

–        au nombre d’employés ;

–        aux actifs corporels détenus ;

–        à la répartition des activités au sein du groupe (R&D, détention et gestion des droits de la propriété intellectuelle, services administratifs, production, distribution et vente, etc.).

La déclaration sera faite en anglais ou dans l’une des langues officielles de la Confédération en francs suisses ou dans la monnaie principale du groupe.

Confidentialité ?

Les données sont uniquement destinées aux autorités fiscales et ne sont pas publiées. Il va sans dire que ces informations sont extrêmement sensibles du point de vue de l’espionnage industriel.

Entrée en vigueur ?

Au vu de l’absence de référendum, le Conseil fédéral a décidé de fixer l’entrée en vigueur de la LEDPP et de l’OEDPP au 1er décembre 2017. L’Accord EDPP sera quant à lui en force dans le courant du mois de décembre.

Les entreprises multinationales basées en Suisse devront ainsi établir une première déclaration pays par pays à partir de l’année fiscale 2018. La Suisse et ses États partenaires échangeront les déclarations en 2020.

Les groupes peuvent soumettre à l’AFC des déclarations pays par pays pour les périodes fiscales 2016 et 2017 sur une base volontaire.

Pays avec lesquels la Suisse va échanger ?

La Suisse a publié le 18 octobre dernier la liste des États partenaires avec lesquels elle échangera les déclarations pays par pays. Elle accordera l’assistance avec tous les pays qui, au moment de la notification au Secrétariat de l’Organe de coordination en décembre 2017, auront signé l’Accord EDPP ou seront membres du cadre inclusif sur le projet BEPS.

A l’heure actuelle, la liste compte 102 pays dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis, le Canada, Singapour, l’Irlande, le Luxembourg, les BVI, Hong Kong, Maurice, la Nouvelle-Zélande, le Brésil, l’Inde et le Panama.

A noter que la Suisse n’accordera l’échange d’informations que sur une base réciproque.

Les États de l’OCDE et du G20 détermineront fin 2020 au plus tard s’il convient de modifier le contenu de la déclaration pays par pays en vue d’exiger la communication de données supplémentaires ou différentes.

Selon le Conseil fédéral, l’évaluation des données des déclarations pays par pays pourrait conduire à une augmentation ou une diminution des recettes fiscales en Suisse, en fonction des ajustements fiscaux dans les États partenaires ainsi que dans notre pays.

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Le contenu de cette Newsletter ne constitue pas un avis ou un conseil juridique ou fiscal. Si vous souhaitez obtenir des informations complémentaires, nous vous invitons à vous adresser auprès de votre personne de contact habituelle chez CROCE & Associés ou à nous envoyer un Email.

Cette Newsletter est disponible en français et en anglais sur notre site Internet www.croce-associes.ch.

Entrée en vigueur de la réforme sur la fiscalité des entreprises dans le canton de Vaud dès 2019.

Suisse : Le gouvernement vaudois vient d’annoncer qu’il appliquera sa réforme sur la fiscalité des entreprises (« RIE III« ) dès 2019, sans attendre la modification au niveau fédéral (« projet fiscal 17 »).

Ainsi, dès 2019, le taux global effectif d’imposition du bénéfice des personnes morales domiciliées dans le canton de Vaud (Confédération, canton et commune) sera de 13.79% (au lieu de 22.3% actuellement).

La réduction du taux d’impôt sur le bénéfice sera accompagnée par l’adoption d’un taux unique de l’impôt sur le capital de 0,6 ‰ (l’imputation de l’impôt sur le bénéfice sur l’impôt sur le capital sera maintenue).

Le canton de Vaud deviendra ainsi l’un des endroits avec la fiscalité la plus douce au monde (devant Hong Kong, Singapour, Londres, etc.), sans être toutefois considéré comme un paradis fiscal.

Outre la modification des taux d’imposition, d’autres mesures vont être prises afin d’une part de compenser le manque à gagner fiscal (128 millions de francs annuels) et d’autre part de soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat des familles.

Le canton de Vaud prévoit ainsi d’augmenter les allocations familiales, d’alléger les charges de santé et d’augmenter le soutien financier de l’Etat au dispositif d’accueil de jour de la petite enfance.

Par ailleurs, il prévoit des mesures ciblées visant à alléger la valeur locative.

Près des deux tiers des coûts de la réforme sur la fiscalité des entreprises seront supportés par l’économie privée, par le biais de prélèvements additionnels sur les cotisations sociales à charge des employeurs.

 

Les trusts des Bahamas

Lire en version livre

Par Lorenzo CROCE, avocat aux barreaux de Genève et de Singapour, LL.M., TEP

Introduction

Les Bahamas constituent depuis près de 50 ans un centre financier incontournable de l’autre côté de l’Atlantique, à seulement 30 minutes d’avion des Etats-Unis. Les services financiers et les trusts représentent avec le tourisme l’essentiel du produit intérieur brut du pays, permettant au client de joindre l’utile et l’agréable lors de ses visites dans l’archipel. A cet égard, les Bahamas accueillent notamment de riches familles d’Amérique du Sud mais également des Européens désireux de diversifier géographiquement la localisation de leurs avoirs.

La juridiction dispose d’une longue tradition en matière de droit des trusts. Au fil des années, elle a su moderniser sa législation afin de l’adapter à la réalité actuelle. Par exemple, le settlor peut aujourd’hui conserver un nombre étendu de pouvoirs sans courir le risque de mettre en péril le trust. En outre, le pays dispose d’environ 200 banques et trustees dont certains établissements figurant parmi les plus importants de la planète. Ainsi, à la différence d’autres juridictions favorables comme les Îles Cook, le client peut également déposer ses avoirs dans les banques du pays ce qui est un élément essentiel en matière de protection du patrimoine lorsque l’on recourt à l’utilisation d’un trust.

A noter que les Bahamas sont un Etat indépendant depuis 1973. Le pays fait certes partie du Commonwealth et s’inspire dans une large mesure du droit anglais, mais il n’est ni une Dépendance de la Couronne ni un Territoire britannique d’outre-mer.

Pays démocratique et très stable aux infrastructures modernes, les tribunaux sont efficaces et impartiaux. En outre, il est relativement aisé de trouver à Nassau des spécialistes compétents (cabinets d’avocats, bureaux d’experts-comptables et d’experts fiscaux). Enfin, les Bahamas sont bien évidement un paradis fiscal pour les plus riches.

Généralités sur les trusts

Le trust peut se définir comme un rapport juridique ayant effet à l’encontre des tiers, qui prend naissance lorsque, sur la base d’un document de constitution (le trust deed), le constituant (le settlor) extrait des biens de son patrimoine personnel et les transfère à une ou plusieurs personnes (les trustees), lesquelles ont l’obligation de les gérer et de les utiliser dans un but établi à l’avance par le settlor en faveur d’un ou de plusieurs tiers (les beneficiaries).

Le constituant peut, s’il le souhaite, désigner une personne en laquelle il a confiance (le protector) pour surveiller les agissements du trustee et vérifier que sa volonté soit respectée.

Il est important de relever que le trust ne forme pas une entité juridique (en particulier, il ne possède pas la personnalité juridique), telle une société ou une fondation. Il s’agit d’une double relation juridique entre d’une part, le settlor et le trustee et, d’autre part, le trustee et le bénéficiaire.

Une fois attribués au trust, les biens en question font partie d’un patrimoine séparé du patrimoine personnel du trustee (trust fund). Ils sont à l’abri des créanciers personnels de celui-ci et n’entrent ni dans son régime matrimonial, ni dans sa succession.

S’agissant de la propriété des biens du trust, il se produit un dédoublement entre la propriété civile (legal ownership, les biens appartiennent juridiquement au trustee qui doit les administrer et en disposer en faveur des bénéficiaires) et la propriété économique (equitable ownership, les biens appartiennent économiquement aux bénéficiaires qui peuvent en jouir).

Ce concept de droit anglo-saxon n’existe en principe pas dans les pays civilistes mais on peut néanmoins le comparer au régime de la fiducie.

Le trustee à l’obligation d’administrer les biens du trust dans l’intérêt des bénéficiaires et doit agir conformément aux termes du trust deed.

Le settlor peut également exprimer ses volontés par le biais d’une letter of wishes (celle-ci peut être modifiée jusqu’au décès de celui-ci). Ce document, qui sert à donner des indications au trustee sur la façon dont le trust doit être géré ou les distributions aux bénéficiaires faites, n’est pas un document contraignant pour celui-ci, à l’inverse du trust deed. La letter of wishes demeure toutefois totalement confidentielle et ne doit pas être remise à la banque dépositaire par exemple.

Les trusts remplissent des fonctions très diverses : ils peuvent servir d’instruments de planification successorale, d’optimisation fiscale (bien que cela soit réduit aujourd’hui), de protection contre les créanciers ou contre soi-même (en cas de prodigalité par exemple), de charité, d’investissement (unit trust), de fonds de pension, etc.

Quand bien même le trust est une institution anglo-saxonne, de nombreux pays de droit civiliste l’ont adopté (ou à tout le moins reconnu) dans leur législation interne ou ont mis en place des structures similaires (fondations de famille, sociétés hybrides, etc.). Ainsi, la Suisse reconnait-elle les trusts étrangers depuis le 1er juillet 2007 suite à la ratification de la Convention relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance. Il n’y a toutefois pas de droit des trusts en Suisse, sauf au niveau de la fiscalité et du droit des poursuites et des faillites.

La constitution d’un trust implique que le settlor dispose de l’exercice des droits civils et manifeste clairement sa volonté de créer un trust.

Cette manifestation de volonté suppose que trois conditions préalables, appelées « three certainties » soient réunies : le constituant doit avoir la réelle volonté de constituer un trust (certainty of intention), il doit avoir clairement déterminé les biens qu’il va mettre en trust ainsi que la manière dont ils seront distribués (certainty of subject-matter), et il doit avoir clairement désigné les bénéficiaires du trust (certainty of objects).

Si l’une de ces conditions fait défaut le trust pourrait être déclaré nul ou annulable par un tribunal. C’est notamment le cas lorsque le settlor entend conserver trop de pouvoirs entre ses mains ou exercer une influence trop importante sur le trust (on dit que « le settlor exerce une domination sur le trust et que le trustee n’est que la marionnette de celui-ci », par exemple en conservant le pouvoir de changer le trustee, de nommer de nouveaux bénéficiaires, d’approuver les distributions, de décider des investissements, etc.). Dans cette hypothèse, il y a donc un risque que les tribunaux considèrent que le settlor ne s’est pas réellement dessaisi de ses biens en faveur du trust. Certaines législations, dont les Bahamas, sont plus souples que d’autres sur les pouvoirs que le settlor peut conserver dans la gestion du trust (voir ci-dessous).

La manifestation de volonté du settlor de créer un trust ne suffit pas : il doit en plus transférer la propriété des biens mis en trust au trustee pour que le trust soit formellement constitué. En règle générale un acte de donation (deed of donation) sera rédigé.

Un trust peut être créé soit du vivant du constituant (inter vivos trust), soit à son décès (testamentary trust ou trust by will). Il existe essentiellement deux manières de constituer un trust du vivant du constituant : soit le constituant et le trustee signent ensemble l’acte constitutif du trust (trust settlement), soit le trustee signe seul l’acte constitutif du trust sans que le constituant ne participe formellement à cet acte (trust declaration). La forme de la trust declaration présente l’avantage qu’elle garantit la confidentialité puisqu’elle permet au constituant de ne pas apparaître dans l’acte constitutif.

Un trust constitué au décès du settlor peut l’être soit sur la base du testament lui-même, qui constitue formellement l’acte constitutif du trust, soit sur la base d’une clause du testament qui précise les éléments essentiels du trust. Dans ce dernier cas, le trustee constituera formellement le trust et signera seul l’acte constitutif du trust.

On distingue principalement 4 catégories de trust qui peuvent se combiner deux par deux : tout d’abord les trusts révocables ou irrévocables (revocable trust; irrevocable trust) et ensuite les trusts discrétionnaires ou non discrétionnaires (discretionary trust; fixed interest trust).

La première distinction se réfère à la relation entre le constituant et le trustee. Lorsque le trust est révocable, le transfert des biens au trust n’est pas définitif : le constituant se réserve le droit de récupérer tout ou partie des biens en révoquant le trust. Cela signifie que les biens en trust ne sont pas nécessairement définitivement sortis du patrimoine du settlor. Seul un trust constitué du vivant du constituant peut être révocable.

Dans un trust irrévocable, le constituant ne peut pas révoquer le trust et perd donc définitivement tout droit de propriété sur les biens transférés dans le fonds du trust. Cela n’empêche pas pour autant le constituant, s’il le souhaite, de figurer parmi les bénéficiaires et d’obtenir des distributions du trust (cela peut toutefois poser des problèmes sur le plan fiscal).

La deuxième distinction se réfère à la relation entre le bénéficiaire et le trustee. Lorsque le trust est non discrétionnaire, le bénéficiaire a un droit actuel et déterminé à une partie des biens en trust ou de leurs revenus conformément à la volonté du constituant. Par contre, dans un trust discrétionnaire, les distributions sont laissées à l’entière discrétion du trustee.

Les trusts aux Bahamas

La législation en vigueur

Les Bahamas disposent d’une législation moderne dans le domaine des trusts. L’essentiel de la matière se trouve dans le Trustee Act, 1998 et ses amendements subséquents. Pays de la common law, la jurisprudence (case law) est également la principale source du droit.

A noter que les Bahamas ne sont pas signataires de la Convention de La Haye sur les trusts (CLaH-Trust). Il est peu probable que le pays ratifie ce texte international.

Le droit applicable aux trusts et les conflits de lois

Un trust est régi par le droit choisi par le settlor (proper law of the trust). Il n’y a pas de limite à l’autonomie de la volonté : le settlor peut décider de constituer son trust selon n’importe quel droit sous réserve que la loi choisie permette la création du type de trust envisagé.

Ainsi, d’après le Trusts (Choice of Governing Law) Act, 1989 (et ses amendements subséquents), tout settlor peut décider de soumettre son trust au droit des Bahamas, peu importe son lieu de résidence. En général, cela interviendra simplement par l’insertion d’une clause expresse d’élection de droit dans le trust deed, à l’exclusion de toute autre démarche ou existence de liens spécifiques avec les Bahamas. Un changement de droit ultérieur vers les/des Bahamas est autorisé.

Ainsi, dans l’hypothèse où le trust est soumis au droit bahamien, toute question relative à la capacité du settlor à constituer un trust, à la validité de celui-ci, à l’interprétation du trust deed, à l’administration du trust (tant au niveau des investissements que des distributions), aux bénéficiaires et à leur nomination, à la responsabilité du trustee pour violation de ses obligations, aux pouvoirs conférés au settlor et au protector, sera déterminée en application du droit des Bahamas exclusivement, à l’exclusion de tout autre droit étranger, sous réserve des exceptions principales suivantes :

  • toute question portant sur le transfert d’un bien immobilier se trouvant à l’étranger devra être tranchée par les lois où ledit bien est situé ;
  • tout litige relatif à la titularité de la propriété d’un bien mis dans le trust par le settlor ;
  • tout litige en lien avec un testament ou une disposition pour cause de mort sera tranché par le droit du lieu de domicile du testateur.

Plus généralement, il est important de préciser que la loi applicable au trust ne régit pas l’acte juridique en vertu duquel les biens ont été transférés dans le trust. L’acte de transfert est régi par les règles de conflits de lois applicables à la catégorie d’actes juridiques à laquelle il appartient.

Enfin, tout jugement étranger qui viendrait à déclarer un trust comme invalide sur la base d’un droit étranger, mais valable selon le droit des Bahamas, ne sera pas reconnu ni exécuté aux Bahamas. Il en va de même s’agissant des jugements étrangers qui viendraient à consacrer une violation de la réserve héréditaire ou de droits appartenant à un époux dans le cadre d’un régime matrimonial ou d’un divorce (voir ci-dessous).

Bien entendu, on ne saurait trop souligner l’importance du lieu de situation des biens mis dans le trust. En effet, il ne sert à rien à un settlor domicilié en Suisse voulant protéger son patrimoine contre son conjoint dans le cadre d’un divorce, d’avoir constitué un trust des Bahamas alors que les biens en question se situent en Suisse. Dans cette hypothèse, il est évident que les tribunaux helvétiques s’empresseront de geler les biens sis en Suisse, nonobstant le droit bahamien et l’opposition du trustee.

La création du trust

Les trustees locaux incorporés sous forme d’une personne morale sont régulés par le Banks and Trust Companies Regulation Act et doivent obtenir une licence auprès de la Banque centrale des Bahamas.

Les trusts n’ont pas besoin d’être enregistrés aux Bahamas. Il n’y a pas non plus de registre des trusts, préservant ainsi la confidentialité. Des règles particulières s’appliquent toutefois à l’immobilier sis aux Bahamas et détenu par un trust.

Il n’est pas non plus nécessaire que le settlor, le trustee (cela est toutefois recommandé) et les bénéficiaires soient résidents aux Bahamas pour valablement constituer un trust.

Une fois toute la documentation réunie, le trust peut être créé dans un délai de 24 heures, le plus ardu étant généralement l’ouverture des comptes bancaires.

L’utilisation d’une underlying company qui détient les biens du trust est possible. Cela permet notamment de faciliter les démarches de changement du trustee puisque seules les actions de l’underlying company doivent être transférée et non la totalité des biens mis en trust.

A noter que la Section 90 du Trustee Act contient des clauses standards expressément admises en droit bahamien qui peuvent être utilisées pour la rédaction du trust deed. Une référence à ces clauses permet de raccourcir de manière significative la longueur de celui-ci.

L’influence résiduelle du settlor sur le trust (settlor’s reserved powers) et pouvoirs du protector

Aux Bahamas, le settlor peut conserver un nombre de pouvoirs étendu sans que la structure ne soit mise en péril (sham trust). En particulier, il peut :

–      changer le trustee ou le protector ;

–      révoquer le trust ;

–      modifier le droit applicable au trust ainsi que le trust deed ;

–      ajouter ou supprimer des bénéficiaires ;

–      approuver les distributions aux bénéficiaires ;

–      décider des investissements à effectuer par le trust.

La nomination d’un protector est également autorisée. Celui-ci peut être une personne physique ou morale mais il est recommandé qu’elle ne soit pas résidente dans le même pays que le settlor. Bien que déconseillé, le settlor peut être lui-même le protector du trust.

La gestion du trust

Dans la gestion du trust, le trustee doit agir avec diligence dans l’intérêt des bénéficiaires et éviter les conflits d’intérêts.

Les pouvoirs d’investissements du trustee aux Bahamas sont très larges sauf si le contraire est prévu par le trust deed. Le trustee n’est ainsi en principe pas limité par un type d’actifs (immobilier, actions, obligations, etc.). Il doit toutefois investir de manière prudente comme le ferait un homme d’affaires prudent chargé de la gestion des affaires d’autrui et ce afin non seulement de conserver la valeur du patrimoine du trust mais également dans la mesure du possible d’en augmenter celle-ci. Ainsi, le trustee doit disposer des compétences et des qualifications nécessaires pour mener à bien sa tâche. Au besoin, il peut déléguer ses attributions à des tiers compétents choisis de manière honnête et de bonne foi (gestionnaires de fortune externe, banques, etc.).

Le droit aux informations

Aux Bahamas, il est loisible de restreindre drastiquement l’accès aux informations (comptabilité du trust, tableau des distributions, etc.) du trust à un bénéficiaire d’un trust discrétionnaire. A cet égard, les Bahamas connaissent sans doute l’une des législations les plus restrictives au monde en matière de droit à l’information des bénéficiaires. En revanche, au moins une personne doit avoir connaissance de l’existence de la structure et être en mesure d’agir en justice.

En tous les cas, la letter of wishes de même que les procès-verbaux des délibérations du trustee n’ont jamais à être divulgués à des tiers.

Protection contre les créanciers

Lorsque le settlor met un bien dans un trust irrévocable, il s’en défait définitivement par le biais d’une donation. Son patrimoine se réduit par conséquent d’autant, ce qui peut évidemment porter préjudice aux intérêts de ses créanciers.

Partant, les trusts sont d’excellents outils de protection du patrimoine surtout lorsque le settlor exerce des activités à risque (par exemple la profession de médecin aux Etats-Unis où les assurances sont très onéreuses).

Toutefois, pour éviter qu’un débiteur ne fasse donation de tous ses biens et empêche ainsi ses créanciers d’obtenir leur dû, le droit suisse prévoit que ces derniers peuvent, à certaines conditions, obtenir l’annulation d’une donation.

Ainsi, cela sera le cas notamment si la donation est intervenue dans l’année qui précède une saisie des biens du donateur ou sa mise en faillite.

Il en va de même pour les donations faites dans les cinq ans qui précèdent, avec l’intention reconnaissable de porter préjudice à des créanciers ou d’en favoriser certains au détriment des autres.

C’est ce que l’on appelle l’action en révocation de la donation.

Le droit bahamien apporte une protection adéquate au settlor à cet égard. Avec le droit des Îles Cook, il s’agit de la législation la plus protectrice des intérêts du settlor/débiteur au monde.

La loi bahamienne (Fraudulent Dispositions Act, 1991) prévoit que tout transfert de biens au trust réalisé, en disproportion manifeste entre la prestation et la contre-prestation, dans l’intention de porter préjudice aux créanciers est annulable. L’action doit toutefois être impérativement intentée, sous peine de forclusion, dans les deux ans dès le transfert des biens au trust. La dette doit par ailleurs exister et être connue du settlor au moment du transfert et le fardeau de la preuve incombe au créancier. De plus, même si l’action du créancier aboutit, la transaction sera invalidée uniquement à concurrence du montant dû. Ainsi, les autres créanciers du settlor ne pourront pas bénéficier de l’action intentée par le premier créancier. Enfin, les distributions déjà effectuées à un bénéficiaire ne seront pas rapportables sauf si celui-ci était de mauvaise foi. Il en va de même s’agissant des honoraires perçus par le trustee. Les coûts du procès perdu peuvent également être déduits des avoirs du trust.

Il s’agit là de différences très significatives par rapport au droit de la common law anglaise et notamment du Statute of Elizabeth qui est généralement très défavorable au settlor.

On relèvera encore qu’un trust discrétionnaire constituera généralement une protection efficace contre les créanciers des bénéficiaires, ce qui n’est pas le cas d’un trust fixe où la part respective de ceux-ci peut être saisie.

Comme déjà mentionné, le lieu de situation des biens est évidement une question de la plus haute importance. De même, afin de garantir une protection efficace contre les créanciers, il est important que le trust soit irrévocable et que les reserved powers du settlor soient limités.

La validité du trust dans le cadre d’une succession (anti-forced heirship rules)

Ainsi qu’il l’a été relevé ci-dessus, il convient d’opérer une distinction entre la loi applicable au trust et celle régissant les autres questions en lien avec celui-ci, notamment s’agissant du droit applicable à la succession d’un individu. C’est d’ailleurs ce que rappelle la Convention de la Haye sur les trusts (art. 15 al. 1 lit. c CLaH-Trust).

Ainsi, d’après le droit international privé suisse, le droit suisse est applicable à la succession d’une personne notamment lorsque celle-ci est domiciliée en Suisse à son décès.

La loi suisse énumère un numerus clausus des modes de disposer. Il n’est pas possible de constituer un trust pour cause de mort. Le de cujus n’est donc pas autorisé à organiser sa succession au moyen d’un trust, car ce dernier ne fait partie ni des formes de disposition pour cause de mort autorisées en droit suisse, ni des modes de disposer prévus par la loi. Une clause d’un testament qui prévoirait la constitution d’un trust pour répartir la succession serait considérée comme inexistante en droit suisse.

Si le trust a en revanche été constitué avant le décès (inter vivos trust), il s’agit d’un acte entre vifs autorisé en droit suisse. Ainsi, seuls les biens figurant encore dans le patrimoine personnel du settlor au moment de sa mort seront répartis entre ses héritiers, à l’exclusion de ceux qui auront été transférés au trust. Le trust est ainsi un excellent moyen d’organiser sa succession.

Toutefois, le droit suisse connaît des règles impératives sur la réserve héréditaire. Celle-ci peut se définir comme une part de la succession qui est garantie pour les descendants, les parents, le conjoint et le partenaire enregistré. Il n’est pas possible d’y déroger. Ainsi, sont sujettes à réduction (à rapport) les donations faites au trust dans les 5 ans précédant le décès. Cette action est dirigée aussi bien contre le trustee que contre les bénéficiaires du trust qui ont reçu des distributions. Il y a donc un risque que les biens transférés dans le trust puissent être « récupérés » par les héritiers réservataires du constituant à son décès.

Le droit des Bahamas, qui à l’instar des autres pays de la common law ne contient aucune règle sur la réserve héréditaire, permet d’éviter cela en prévoyant expressément qu’un jugement étranger condamnant le trustee à verser une somme aux héritiers lésés ne sera ni reconnu ni exécuté aux Bahamas.

Bien entendu, le lieu de situation des biens est une nouvelle fois déterminant dans ce type de cas.

La validité du trust dans le cadre d’un divorce

Comme il l’a été relevé ci-dessus, certains aspects ne sont pas réglés par le droit applicable au trust. Outre les questions successorales, il en va ainsi s’agissant des droits patrimoniaux des époux dans le cadre d’un divorce et lors de la liquidation du régime matrimonial. C’est d’ailleurs ce que prévoit la Convention de la Haye sur les trusts qui réserve expressément l’article 15 alinéa 1 lettre b CLaH-Trust.

Ainsi, le droit suisse, lorsqu’il est applicable, prévoit des règles spécifiques sur la répartition des avoirs entre les époux en cas de divorce et selon le régime matrimonial choisi (séparation de biens, communauté de biens ou régime de la participation aux acquêts). Dans certaines circonstances, il est possible que la loi suisse prévoie la réunion (le rapport) des biens mis dans le trust (voir par exemple l’art. 208 du Code civil suisse). Le trustee peut également être recherché dans cette hypothèse (art. 220 CC).

De même, bien que le droit suisse soit beaucoup plus restrictif que l’approche au Royaume-Uni, il est possible que le juge accorde une pension alimentaire au conjoint dans le cadre du divorce et ordonne même que les fonds soient prélevés sur les avoirs (les revenus en principe) du trust.

Le droit bahamien offre une nouvelle fois une protection très efficace au settlor. En effet, aucun jugement étranger qui condamnerait le trustee à verser une pension alimentaire à l’autre époux dans le cadre d’un divorce ou un montant à titre de liquidation du régime matrimonial ne sera reconnu ni exécuté aux Bahamas.

Bien entendu, le lieu de situation du trustee et des avoirs est déterminant dans cette hypothèse.

Perpétuité (perpetuity)

Depuis le 30 décembre 2011, les trusts des Bahamas n’ont plus une durée maximum d’existence (perpetuity period). Ils peuvent ainsi avoir une durée indéfinie.

La fin du trust

La règle selon laquelle les bénéficiaires d’un trust d’accumulation, jouissant de la pleine capacité civile, agissant conjointement et ayant un droit absolu sur les biens de celui-ci, peuvent en réclamer le transfert à leur profit personnel et ainsi mettre fin au trust (principe tiré de l’arrêt Saunders v. Vautier) est inapplicable aux Bahamas. Les volontés du settlor doivent ainsi être respectées en toutes circonstances.

La compétence des tribunaux

Les tribunaux bahamiens sont compétents, et ce peu importe la résidence du défendeur, pour tous les litiges concernant un trust de ce pays. Un trust est considéré comme bahamien si :

–    celui-ci est régi par le droit des Bahamas (governing law) ;

–    le trustee est résident ordinaire ou a son siège/est enregistré aux Bahamas ;

–    des biens appartenant au trust sont situés aux Bahamas (mais uniquement en rapport avec ces biens) ou l’administration de celui-ci a lieu dans ce pays ;

–    la compétence des tribunaux des Bahamas apparait comme appropriée ;

–    la compétence des tribunaux résulte du trust deed.

A noter que le trust deed peut prévoir la résolution des litiges par voie d’arbitrage (sous réserve d’exceptions). Une telle clause sera opposable aux bénéficiaires du trust également.

La lutte contre le blanchiment d’argent

Les Bahamas disposent d’une législation stricte en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le pays fait partie du Groupe d’Action Financière des Caraïbes (GAFIC).

Ainsi, le trustee à l’obligation d’identifier, aux moyens de documents, (passeport, preuves d’adresse, etc.) tous les intervenants dans la structure (settlor, bénéficiaires, protector, etc.), d’établir l’origine des fonds et l’arrière-plan économique des transactions et de dénoncer aux autorités tout acte suspect de blanchiment d’argent.

Par ailleurs, les Bahamas ont souscrit à l’échange automatique d’informations à des fins fiscales ainsi qu’à la réglementation FATCA.

Aspects fiscaux sur les trusts

Il n’y a pas d’impôts sur le revenu, la fortune, les gains en capitaux, les donations et les successions aux Bahamas. Le trust et ses participants sont ainsi exonérés de tout impôt (y compris le droit de timbre sauf pour les immeubles situés aux Bahamas) et en particulier s’agissant des distributions faites à des bénéficiaires non-résidents.

En revanche, tout trust soumis au droit des Bahamas doit s’acquitter au moment de sa création de la somme de $50 (trust duty). Le trust deed doit être tamponné par les autorités fiscales bahamiennes sous peine de ne pas être reconnu par les juridictions civiles du pays (un rattrapage est toutefois possible).

La private trust company des Bahamas

Les familles fortunées, disposant de structures patrimoniales complexes, recourent de plus en plus à la mise en place d’un trust via une private trust company (PTC).

Ce type de structure permet au client de garder un contrôle étendu sur les biens et le management du trust en nommant comme trustee des membres de sa famille et/ou des professionnels de confiance (avocats, etc.) ou en se réservant l’actionnariat de la private trust company.

Aux Bahamas, la règlementation des PTCs se trouve dans le Banks & Trust Companies Regulation (Amendment) Act, 2006 et les Banks & Trust Companies (Private Trust Companies) Regulations, 2007.

Ce type de structure fonctionne comme suit :

Comme il l’a déjà été exposé ci-dessus, la loi bahamienne exige, sauf exception, que toute personne qui entend exercer la fonction de trustee dans le pays doit être au bénéfice d’une licence délivrée par la Banque centrale des Bahamas.

Parmi les exceptions figurent justement la private trust company. Celle-ci peut se définir comme une société dont le seul but est de fournir des services de trustee à un trust spécifique (ou un groupe de trusts). En clair, la PTC ne peut être trustee que pour une classe de trusts, définie par référence à une personne désignée (Designated Person(s)), le settlor du ou des trusts.

Cette personne doit être mentionnée dans les statuts et l’acte constitutif de la société au moment de la création de cette dernière. Il est possible d’avoir plusieurs personnes désignées (plusieurs settlors) à condition qu’elles soient parentes entre elles (conjoint, descendants par les liens du sang ou par l’adoption, etc.). En résumé, il possible de constituer un trust en nommant une private trust company comme trustee à la condition que la société agisse comme trustee d’un seul settlor (ou de plusieurs settlors qui sont parents).

Il n’y a en revanche pas de restriction quant au nombre de trusts pouvant être créés sous la PTC ni quant à la classe des bénéficiaires.

En contrepartie, la PTC ne peut pas solliciter du business ou fournir des services de trustee au public.

La PTC prendra la forme d’une société classique incorporée d’après le Companies Act, 1992 ou l’International Business Companies Act, 2000. Elle ne sera pas soumise aux exigences du Business Licence Act, 2010.

La société a toutefois l’obligation de recourir aux services d’un agent résident (on parle de « Registered Representative » qui lui doit être licencié auprès de la Central Bank of the Bahamas) qui s’occupera de toute la partie administrative de la gestion du trust et du trustee, y compris de la partie blanchiment d’argent, de la tenue de la comptabilité, du maintien des liens avec les autorités, de la garde des documents, etc.

Le RR devra être une société résidant aux Bahamas, disposant d’un capital minimum de $50’000. Elle agira à choix comme directeur, secrétaire ou agent de la PTC.

Par ailleurs, au moins un directeur (on parle de « Special Director ») de la PTC doit disposer de qualifications particulières ou de 5 ans minimum d’expérience dans le domaine des trusts et jouir d’une bonne réputation. Celui-ci n’a pas besoin de résider aux Bahamas.

La PTC doit avoir un capital de USD 5’000 seulement et même s’il est recommandé qu’elle tienne une comptabilité, il n’y a pas d’audit obligatoire.

Une question centrale est celle de l’actionnariat de cette société (à noter que le registre des actionnaires n’est pas public aux Bahamas contrairement aux noms des administrateurs). En fonction de la résidence et du statut fiscal du client les solutions suivantes sont envisageables :

–        La détention directe des actions par l’un des membres de la famille ;

–        La mise en place d’un purpose trust dont le but est uniquement de détenir lesdites actions (voir ci-dessous) ;

–        L’utilisation d’une société limitée par garantie (company limited by guarantee) ou d’une fondation ;

–        L’utilisation d’une Executive Entity des Bahamas, soit une entité spéciale dont le but est de conduire des activités administratives ou fiduciaires. Cette structure n’a ni bénéficiaire ni actionnaire et peut avoir une existence perpétuelle.

Une fois la PTC incorporée, le trust sera ensuite constitué selon les règles habituelles.

Les avantages de la PTC sont les suivants :

  • Maintien du contrôle sur la structure : contrairement à un trust « classique » où le trustee est un service provider étranger que le settlor ne connaît souvent pas, dans l’hypothèse d’une PTC ce dernier peut choisir de mettre au conseil d’administration de la société des membres de sa famille ou des personnes de confiance. Ainsi, le trustee sera quelqu’un qui connaît très bien la situation familiale et professionnelle du settlor ainsi que ses objectifs, permettant ainsi d’administrer la structure de façon optimale et de rassurer le constituant sans risquer de mettre en péril le trust. A cet égard, il est de notre point de vue préférable de recourir à la constitution d’une PTC plutôt que de conférer des pouvoirs étendus au settlor sur le trust ou à un protector résidant dans le même pays que ce dernier.
  • Confidentialité : grâce à la constitution d’une PTC, la confidentialité est renforcée dans la mesure où les documents relatifs au trust sont conservés entre les mains de quelques personnes dignes de confiance.
  • Flexibilité : les PTCs confèrent une flexibilité accrue dans la gestion du trust en permettant un contact étroit entre les trustees et le family office du client par exemple.
  • Implication de la génération suivante : la PTC permet de d’impliquer progressivement les membres de la jeune génération dans les affaires du business familial.
  • Coûts : bien que les coûts initiaux soient plus élevés (les frais gouvernementaux s’élèvent à $5’000 environ par année) que dans l’hypothèse d’un trust « classique », une PTC permet à terme de réduire significativement les frais spécialement si le settlor décide de constituer plusieurs trusts.

    Les purpose trusts des Bahamas

Ainsi qu’il l’a été expliqué ci-dessus, un trust est créé lorsque des biens sont transférés au trustee pour être détenus en faveur d’individus déterminés, les bénéficiaires.

Un trust n’est en principe pas valable si les bénéficiaires ne sont pas déterminés ou déterminables (certainty of object). En effet, il est impératif qu’il existe des personnes qui aient le pouvoir d’agir par-devant les tribunaux pour faire respecter le trust deed et demander une reddition des comptes au trustee.

Les trusts sans bénéficiaires et qui ne servent qu’un but déterminé sont qualifiés de purpose trusts (PT). Ils ne sont acceptés que de manière très restrictive dès lors qu’ils violent la règle énoncée ci-dessus. C’est notamment le cas des trusts charitables ou ceux qui visent à l’entretien d’un animal ou d’une tombe (trusts of imperfect obligation).

De nombreuses juridictions offshores ont cependant légiféré pour reconnaître la validité des purpose trusts de manière plus large que ne l’admet la common law et qui ne poursuivent pas des buts caritatifs.

C’est notamment le cas des Bahamas par le biais du Purpose Trust Act, 2004 (et ses amendements subséquents).

En général, un PT aura pour but la détention des actions d’une société comme par exemple dans l’hypothèse d’une private trust company. Il ne sera ainsi pas nécessaire de nommer un bénéficiaire du trust. Il est également possible de prévoir que le trust détiendra du capital ou des revenus de biens placés. La détention d’un immeuble aux Bahamas par un PT n’est en revanche pas autorisée.

De même, il est possible de prévoir plusieurs objets ou d’élargir la classe des bénéficiaires de manière indéfinie (par exemple un trust en faveur des habitants de Londres) sans risquer que le trust soit considéré comme nul faute de certitude.

Le PT est notamment populaire dans des situations où il est opportun de séparer la propriété d’une entreprise de la gestion de celle-ci. Les PT sont également utilisés pour détenir des biens de grande valeur comme une œuvre d’art ou un avion. Enfin, on peut utiliser un purpose dans le but de réaliser une opération de financement ou d’achat d’une entreprise.

Il suffit que le trust ait un but possible et suffisamment certain pour être réalisable. Il ne doit également pas avoir un but illégal ou contraire à l’ordre public. Enfin, les conséquences de la réalisation du but doivent être prévues.

Le trustee quant à lui doit obligatoirement être résident aux Bahamas et disposer d’une licence appropriée (y compris pour les trustees qui sont des personnes physiques). Il doit tenir une comptabilité afin que la situation financière du trust soit toujours connue à la fin de l’année.

Pour le surplus, les PTs sont régis par les règles du Trustee Act.

En général, pour surmonter l’objection qu’en l’absence d’un bénéficiaire personne ne peut demander l’exécution du trust, une personne appelée enforcer est désignée pour exercer un contrôle sur le trustee. Celle-ci peut faire exécuter les termes du trust en agissant par-devant les tribunaux.

Aux Bahamas, il n’est pas question d’un enforcer mais d’Authorised Applicants qui auront un rôle tout-à-fait similaire, notamment d’agir en justice, de demander la reddition des comptes, etc. et plus généralement d’entreprendre tout ce qu’un bénéficiaire serait en droit de faire dans un trust ordinaire.

Les Authorised Applicants sont nommés dans le trust deed ou à défaut par les tribunaux des Bahamas sur requête de l’Attorney General. Il est précisé que c’est ce dernier qui exercera la compétence d’enforcer le trust en dernier recours.

Comme les trusts ordinaires, les PTs ne sont pas sujets à taxation.

Conclusion

L’environnement juridique, économique et fiscal fait que les Bahamas sont une juridiction attractive pour les trusts. Grâce à des lois modernes, une personne désireuse d’établir un trust aux Bahamas est certaine d’atteindre ses objectifs de protection du patrimoine ou de planification successorale. Toutefois la constitution d’un trust requiert toujours une analyse très détaillée de la situation personnelle du settlor et des bénéficiaires. En effet, il serait totalement erroné d’appréhender la situation que du point de vue bahamien sans considérer d’autres éléments extérieurs comme la résidence fiscale des divers protagonistes. Une erreur de jugement pourrait avoir de lourdes conséquences pour tous les acteurs, trustee compris.

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Le Conseil fédéral décide d’augmenter les contingents de permis de travail pour les extra-européens

Bonne nouvelle ! Le gouvernement suisse a annoncé vendredi dernier qu’il augmentait les contingents de permis de séjour délivrés aux travailleurs extra-européens.

Ainsi, 500 permis supplémentaires seront octroyés l’an prochain, soit 3500 permis B (+500) et 4500 permis L de courte durée.

Ces autorisations seront versées à la réserve fédérale, c’est-à-dire que les cantons, dans l’hypothèse où ils auraient épuisé leurs quotas annuels, pourront demander au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) des permis supplémentaires. Cette mesure permettra aux autorités fédérales d’adapter avec souplesse et selon la demande, les besoins complémentaires des cantons.

C’est un soulagement pour les cantons de Bâle-Ville, Genève et Zurich, eux qui avaient déjà atteint cette année la totalité de leurs contingents en janvier, février et mars respectivement.

Nous saluons également cette démarche qui permettra de tenir – un peu plus – compte des besoins de l’économie et des entreprises. La nécessité d’une main-d’œuvre qualifiée en provenance d’État tiers n’a jamais été aussi forte dans notre pays.

Pour rappel, les ressortissants de l’Union européenne/AELE ne sont pas soumis à des contingents (sauf exceptions) et disposent d’un droit à séjourner et à travailler en Suisse, en vertu de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). En revanche, les citoyens d’Etats tiers doivent démontrer servir les intérêts économiques de la Suisse et disposer de qualifications professionnelles particulières pour se voir délivrer le précieux sésame. En générale, les permis de travail sont accordés en priorité aux grandes multinationales (lobby oblige), aux personnes actives dans la recherche, les sciences, l’informatique ainsi qu’aux étudiants sortant des hautes écoles (EPF, etc.).

A noter encore que le Conseil fédéral a aussi décidé d’augmenter les contingents pour les prestataires de services provenant de l’Union européenne/AELE et dont la durée de la mission en Suisse dépasse 120 jours par an (ces personnes ne bénéficient pas de l’ALCP et sont soumises à des quotas).

Les limites ont été fixées à 500 permis B (+250) et 3000 permis L (+1000), soit un retour à la situation de 2014. Leur attribution continuera de se faire sur une base trimestrielle.

Le Département fédéral de justice et police (DFJP) procèdera aux modifications nécessaires de l’OASA d’ici à la fin de novembre. Il soumettra ensuite son projet au Conseil fédéral pour décision.

Pour plus d’informations cliquez ici.