Crimes fiscaux et blanchiment d’argent – Le nouveau cheval de bataille du GAFI

Déjà très fortement mis à mal par la reprise de l’article 26 MC-OCDE dans les nouvelles CDI négociées par la Suisse, par l’abandon de la distinction entre évasion et fraude fiscale ainsi que par la divulgation des 4000 noms de clients UBS au fisc américain, le secret bancaire helvétique risque d’être définitivement mort et enterré dans les prochains mois suite à la nouvelle proposition fracassante du GAFI.

 

Le Groupe d’action financière (GAFI), dont le secrétariat est rattaché administrativement à l’OCDE, vient en effet d’établir un avant-projet prévoyant de qualifier les crimes fiscaux (Tax Crimes) d’infraction préalable au blanchiment d’argent. En clair, si une telle proposition devait aboutir, cela signifierait que toute personne qui aurait accepté en dépôt, aidé à transférer ou géré des fonds en sachant ou en devant présumer que ceux-ci provenaient d’infractions fiscales risquerait de se voir poursuivi pour blanchiment d’argent au sens de l’article 305bis CP. Les intermédiaires financiers, auraient quant à eux l’obligation d’annoncer systématiquement les soupçons d’infractions fiscales au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS).

 

Bien qu’aucune décision formelle n’ait encore été prise, il a tout lieu de penser que l’assemblée plénière du GAFI adoptera cette proposition fin 2011, dans le cadre de sa révision partielle de ses standards en vue du quatrième cycle des évaluations mutuelles qui devrait commencer en 2013. Sur fond de crise financière, la pression internationale et notamment celle des pays du G20 est en effet grande. Car, il ne faut point s’y tromper, cette proposition ne vise pas à combattre le crime organisé. Il ne s’agit là que d’un pur prétexte. Au nom de la lutte contre le blanchiment d’argent, on vise en réalité à renflouer les caisses des Etats en transformant les banques et autres intermédiaires financiers en agents du fisc pour l’étranger. Ainsi, plus besoin de débourser des millions pour acheter des CD de données volées !

 

Cette criminalisation du monde économique n’est toutefois ni souhaitable, ni justifiée : Si l’on peut admettre que les canaux employés pour recycler des capitaux sont souvent les mêmes que ceux utilisés pour dissimuler de l’argent au fisc, la similarité entre délit fiscaux et blanchiment d’argent s’arrête là.

 

Le blanchiment d’argent consiste à réintroduire dans le circuit économique des fonds d’origine criminelle par des procédés faisant perdre la trace de l’argent.

 

Or, dans le cadre de fonds soustraits au fisc, ceux-ci ont clairement une origine légale (revenu, fortune, succession, donation etc.). Il ne s’agit pas d’occulter des valeurs patrimoniales illicites en leur conférant une apparente justification légale, mais d’éviter la mainmise des autorités fiscales sur des fonds ayant une provenance légale. Il apparait dès lors douteux que l’on puisse blanchir de l’argent provenant d’infractions fiscales.

 

Par ailleurs, en Suisse, seuls les crimes, soit les infractions passibles d’une peine privative de liberté de plus de trois ans, sont susceptibles de constituer des infractions préalables au délit de blanchiment d’argent. En conséquence, si la proposition du GAFI abouti, il conviendra d’ériger les délits fiscaux en crime. Or, la gravité de ceux-ci, en particulier l’évasion fiscale est sans commune mesure avec celle des autres infractions susceptibles de recyclage. Il y a là une véritable disproportion à mettre sur un même pied d’égalité le blanchiment d’argent provenant de crimes fiscaux et celui provenant du trafic de drogue, du terrorisme ou de la prostitution.

 

Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de cette proposition, risque de soulever d’importantes difficultés.

 

Tout d’abord, il conviendra de déterminer ce que l’on entend par « crimes fiscaux ». Le GAFI à cet égard, à volontairement renoncé à définir plus précisément cette notion – hormis le fait que tant les impôts directs qu’indirects seront visés – laissant le soin à chaque pays de décider en conformité avec son droit interne ce qu’il entend par ces termes. Que décidera donc la Suisse ? Fixera-t-elle des montants limites de soustraction au-delà desquelles on considérera qu’il s’agit de crimes ou édictera-t-elle un catalogue d’infractions ? L’évasion fiscale en fera-t-il partie et cas échéant, où sera la frontière entre planification fiscale, pratique légale, et évasion. D’après l’Ambassadeur Alexandre Karrer en charge du dossier de la Suisse auprès du GAFI « les crimes fiscaux doivent absolument être réservés à des infractions d’une extrême gravité comme des falsifications comptables ou des détournements de fonds ». On peut toutefois douter que la Suisse résiste face à la pression internationale et il y a des chances pour que l’évasion fiscale soit considérée comme infraction préalable au blanchiment d’argent.

 

L’adoption de la nouvelle règlementation posera également des problèmes en terme d’investigation : Pratiquement, comment un intermédiaire financier pourra-t-il s’assurer que les fonds reçus de son client ont été déclarés au fisc ? Conviendra-t-il de faire signer au client un formulaire type ou faudra-t-il solliciter du fisc étranger une attestation de déclaration d’avoirs, en sachant que les déclarations fiscales ne sont généralement émises que plusieurs années après l’acquisition des revenus. De même, comment un intermédiaire financier pourra-il mener les enquêtes nécessaires s’agissant de fonds transmis de générations en générations ?

 

Autant de questions qui n’ont à l’heure actuelle aucune réponse.

 

Sur le plan organisationnel, il conviendra dans tous les cas d’engager et de former un nombre important de collaborateurs et ce tant au niveau des autorités que des intermédiaires financiers. Cette mesure engendrera d’importants coûts supplémentaires qui seront directement répercutés sur le client. A cet égard, la compétitivité de la place financière helvétique risque d’être mise à mal car, à la différence de certains pays, la Suisse veut toujours faire figure de bon élève et il n’y a nul doute qu’elle appliquera rigoureusement cette nouvelle réglementation.

 

On la vu, il n’est ni justifié, ni souhaitable de soumettre les infractions fiscales aux articles 305bis et 305ter CP ainsi qu’à la LBA. La nouvelle proposition du GAFI vise uniquement à permettre l’acquisition de ressources par le fisc étranger et non à lutter contre le crime organisé. Pire encore, le risque d’affaiblir le système de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est grand au vu du raz-de-marée de communications au MROS qui risque de se produire. Par ailleurs, au delà des coûts engendrés, cette proposition est extrêmement compliquée à mettre en œuvre en particulier pour les intermédiaires financiers qui ne dispose que de moyens d’investigation limités pour exercer leurs devoirs de diligence.

 

Au final, il existe d’autres solutions efficaces pour lutter activement contre les fraudeurs du fisc. La Suisse a d’ailleurs d’ores et déjà pris de telles mesures en accordant l’entraide non seulement en cas de fraude mais également d’évasion fiscale. Par ailleurs, la mise en place d’un impôt libératoire à la source (projet « Rubik »), actuellement discuté avec l’Allemagne et l’Angleterre, permettrait de résoudre définitivement le problème tout en sauvegardant le secret bancaire suisse. Il convient dès lors de privilégier cette approche plutôt que d’utiliser abusivement le système de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

 

Droit maritime – La livraison sans connaissement

Par Lorenzo CROCE, avocat au Barreau de Genève, LL.M.

INTRODUCTION

Nées de la pratique, les règles sur le transport maritime sont aujourd’hui profondément ancrées dans les textes. L’une d’elles, fondamentale, exige que le transporteur ne livre la marchandise au destinataire que sur présentation du connaissement.

 

Il y a toutefois, comme souvent, un important décalage entre la théorie et la pratique.

 

En effet, avec l’augmentation de la vitesse des transports, il arrive fréquemment que la marchandise arrive à destination avant le connaissement. Le transporteur se trouve alors face au dilemme suivant : attendre l’arrivée du document ou livrer la marchandise en violation du contrat.

 

En réponse à ce problème, la pratique a imaginé diverses solutions.

 

La présente contribution vise à dresser un bref inventaire de celles-ci. Après avoir rappelé le principe de présentation (I), nous analyserons d’un point de vue critique, l’institution de lettre de garantie au déchargement (II), de la lettre de transport maritime et du connaissement électronique (III).

 

I) LE CONNAISSEMENT : CARACTERISTIQUES ET REGLE DE PRESENTATION

Le connaissement (bill of lading) est un document propre au commerce de marchandises par mer. S’il est aujourd’hui la pierre angulaire du transport maritime, il est l’aboutissement d’une longue évolution historique. En effet, depuis son apparition aux 15ème et 16ème siècles, les caractéristiques du connaissement n’ont cessé de se développer. Initialement, ce document constituait un reçu des marchandises par le capitaine permettant aux marchands de ne plus se déplacer eux-mêmes avec la cargaison. Puis, au 18ème siècle, le connaissement s’est vu attribuer sa qualité de document négociable lui conférant sa fonction de titre représentatif des marchandises. C’est enfin au 19ème siècle, avec l’avènement des premières lignes régulières maritimes, que la fonction de preuve du contrat de transport lui a été pleinement reconnue.[1]

 

Aujourd’hui, le connaissement peut être défini comme « un document faisant preuve d’un contrat de transport par mer et constatant la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par le transporteur ainsi que l’engagement de celui-ci de délivrer les marchandises contre remise de ce document. Cet engagement résulte d’une mention dans le document stipulant que les marchandises doivent être délivrées à l’ordre d’une personne dénommée ou à ordre ou au porteur » (article 1 § 7 Règles de Hambourg).

 

Il ressort de cette définition que le connaissement possède les trois caractéristiques suivantes :

 

Tout d’abord, il est un reçu des marchandises. La délivrance du connaissement établit une preuve que le transporteur a reçu les marchandises et que la cargaison est conforme à ce qu’il décrit[2].

 

Ensuite, bien que généralement signé uniquement par le transporteur, le connaissement est une preuve du contenu du contrat de transport. Il établit les conditions du contrat ainsi que les obligations respectives des parties[3].

 

Enfin, le connaissement est un titre représentatif de la marchandise. Il s’agit là de sa caractéristique la plus essentielle mais aussi la plus complexe[4].

 

Affirmée dès 1787 par la jurisprudence anglaise (arrêt Lickbarrow v. Mason), cette fonction fait que connaissement et marchandise ne font qu’un. Comme le résume Lord Justice Bowen, le connaissement est « […] a key which in the hands of a rightful owner is intended to unlock the door of the warehouse, floating or fixed, in which the goods may chance to be. »[5]

 

En clair, le connaissement est considéré comme un symbole des marchandises et sa transmission entraîne la transmission des droits sur la cargaison, si telle est l’intention des parties. Ainsi, il constitue un titre de propriété des biens et sa possession est équivalente à la possession de la marchandise.[6]

 

En outre, de par son caractère de titre endossable, le connaissement peut être négocié dans le cadre d’une transaction commerciale ou bancaire, par exemple lors de l’émission d’un crédit documentaire[7].

 

Cette troisième fonction a pour corollaire que le titulaire légitime du connaissement est en droit d’exiger du transporteur, à son arrivée au port de destination, la livraison de la marchandise, et ce, indépendamment de toute justification concernant la propriété de la cargaison[8]. Du point de vue du transporteur, il ne doit livrer la marchandise qu’au titulaire du connaissement qui lui présente un exemplaire original de celui-ci (principe de présentation). Il s’agit là d’une obligation du transporteur. Ce dernier n’a pas à se préoccuper de la propriété des marchandises. S’il délivre la marchandise sans exiger la présentation du titre, il commet une violation du contrat de transport.[9]

 

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Ce principe de présentation est aujourd’hui affirmé dans la plupart des textes internationaux. Ainsi, l’article 1 § 7 des Règles de Hambourg qui définit le connaissement, précise que le transporteur s’engage à délivrer les marchandises contre remise du connaissement. De même, l’article 47 des Règles de Rotterdam indique qu’en cas d’émission d’un document de transport négociable (la Convention se réfère ici implicitement au connaissement), le porteur du document est en droit de réclamer du transporteur la livraison de la marchandise au lieu de destination contre remise du document de transport négociable et à condition qu’il s’identifie dûment. Le transporteur refuse de livrer la marchandise si ces exigences ne sont pas remplies.

 

Dans les pays de Common Law, la règle de présentation a été affirmée au 19ème siècle déjà, se fondant notamment sur la théorie du « bailment » et de la « constructive possession »[10]. Ainsi, dans un arrêt anglais de 1889, Sir Butt J. affirmait « […] A shipowner is not entitled to deliver goods to the consignee without the production of the bill of lading. I hold that the shipowner must take the consequences of having delivered these goods to the consignee without the production of either of the two parts of which the bill of lading consisted. »[11]

 

Avec l’adoption du Carriage of Goods by Sea Act de 1992, le principe de présentation est désormais codifié dans la loi anglaise. En effet, d’après l’article 2 « […] a person who becomes the lawful holder of a bill of lading […] shall (by virtue of becoming the holder of the bill or, as the case may be, the person to whom delivery is to be made) have transferred to and vested in him all rights of suit under the contract of carriage as if he had been a party to that contract ». La doctrine, se fondant sur cette disposition, estime que dans la mesure où le destinataire peut actionner le transporteur afin de faire valoir ses droits sur la base du contrat de transport, il dispose, en tant que condition préalable à cet exercice, le droit d’exiger la livraison de la marchandise[12]. A noter que Singapour a opté cette même approche dans le Bills of Lading Act de 1994.

 

S’agissant des pays de Civil Law, on notera que la règle de présentation est également largement reprise dans la législation interne. Ainsi, l’article 116 al. 2 de la Loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse ainsi que les articles 49 et 50 du Décret français (n°66-1078) du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes prévoient que la marchandise ne peut être délivrée que sur remise d’un connaissement original.

 

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Une question largement débattue en doctrine, a été celle de savoir si un connaissement nominatif (connaissement émis au nom d’une personne dénommée) restait soumis à la règle de présentation ou si au contraire on pouvait le considérer, vu son absence de caractère transmissible et négociable, comme un document ne nécessitant pas d’être présenté au transporteur lors de la livraison[13]. La jurisprudence, non sans quelques hésitations, a tranché en faveur de la première hypothèse. Dans un arrêt de principe, la Chambre des Lords anglaise a jugé qu’un « straight bill of lading » était bel et bien un véritable connaissement soumis au principe de présentation[14]. Singapour avait également adopté cette approche en 2002 déjà statuant que « once [the shipowner] issues a bill of lading…, whether it is an order bill or a straight bill, he must not deliver the cargo except against its production. The contrary view had much less support and most of it was recent and cursory »[15]A noter que cette position est aussi suivie par d’autres juridictions et notamment par les tribunaux de Hong-Kong[16], d’Australie[17] et de France[18]. Seuls les Etats-Unis semblent faire exception mais uniquement dans l’hypothèse où le connaissement ne contient aucune clause de présentation expresse (surrender clause), ce qui est rare en pratique[19].

 

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S’agissant des exceptions à la règle de présentation, elles sont principalement au nombre de trois : tout d’abord les parties ont la faculté de convenir contractuellement que la livraison se fera sans présentation du connaissement[20]. Les parties peuvent également décider que si le connaissement n’est pas disponible au moment de la livraison, le destinataire se légitimera au moyen d’autres documents fournis par le chargeur ou que ce dernier lui paiera une indemnité permettant d’obtenir la livraison des biens (GAFTA 100)[21].

 

Ensuite, il apparaît légitime que le destinataire de la marchandise qui a égaré le connaissement puisse revendiquer en justice la livraison de la cargaison[22].

 

Enfin, la loi du lieu de déchargement ou la coutume du port autorise parfois la livraison sans connaissement[23]. Cette dernière est toutefois soumise à des conditions restrictives. Ainsi, elle doit être « raisonnable, certaine, en conformité avec le contrat, universellement reconnue et non contraire à la loi. »[24]

 

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Nous l’avons vu, le principe de présentation du connaissement lors de la livraison des marchandises est affirmé avec force tant par les textes nationaux qu’internationaux ainsi que par la jurisprudence. Un transporteur qui accepte de livrer la marchandise sans connaissement commet une violation du contrat de transport et risque devoir payer des dommages-intérêts au porteur légitime du titre (voir par exemple les articles 5 § 1 Règles de Hambourg et 116 al. 4 LNM suisse). En droit anglo-saxon, le transporteur sera responsable non seulement sur le plan contractuel mais également délictuel (tort of conversion)[25]. La responsabilité du transporteur sera d’autant plus lourde à supporter que les P&I Clubs excluent généralement ce type de risques dans leur couverture[26]. Le transporteur pourra toutefois en principe s’exonérer de responsabilité pour livraison sans connaissement en insérant une clause spécifique dans le contrat de transport[27]. Une clause générale d’exclusion de responsabilité pour « misdelivery » ne suffit en revanche pas en Common Law[28].

 

On relèvera encore que si le transporteur livre la marchandise contre un connaissement falsifié, ce dernier est considéré comme nul et la livraison est également réputée avoir été faite sans connaissement[29]. Dans les pays de Common Law, le transporteur reste responsable en toute hypothèse de la livraison faite sous faux connaissement. D’après les juges anglais le transporteur est en effet censé reconnaître ses propres connaissements et faire en sorte que ceux-ci ne soient pas aisément falsifiables[30]. Les tribunaux français semblent toutefois être plus souples en la matière affirmant que si le faux connaissement est quasi identique à l’original et que la différence est minime, le transporteur peut être dégagé de toute responsabilité[31].

 

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En pratique, il arrive que la marchandise arrive à destination avant le connaissement. Cette situation fréquente s’explique par le fait que généralement, malgré les progrès des transports postaux, le connaissement ne voyage pas aussi vite que la marchandise surtout lors de trajets sur de courtes distances. Aussi, le crédit documentaire qui est à la base du connaissement requiert souvent du temps de la part des établissements bancaires.[32]

 

Le transporteur est souvent malgré tout obligé de livrer la marchandise, soit en raison de la pression commerciale du destinataire, soit parce que la marchandise est périssable, ou bien encore parce que les frais de stationnement ou les terre-pleins du port sont complets, la marchandise devant dans ce dernier cas rester à bord, bloquant ainsi le navire pendant une durée plus ou moins longue[33].

 

Ainsi, le transporteur se retrouve dans une position délicate. S’il livre, il s’expose à l’action du détenteur légitime du connaissement. Pour pallier à ce type de situation, la pratique a développé divers mécanismes, notamment celui de la lettre de garantie au déchargement.

 

II) LA LETTRE DE GARANTIE AU DECHARGEMENT : UN PALIATIF A LA LIVRAISON SANS CONNAISSEMENT

Nous avons vu qu’il arrive fréquemment en pratique que le destinataire ne soit pas en possession du connaissement au moment de la livraison des marchandises. Dans le but d’éviter un blocage de la cargaison, le transporteur va souvent accepter – mais n’est pas obligé[34] – de remettre les biens à celui-ci contre la remise d’une lettre de garantie.[35]

 

Par la remise de cette lettre, le transporteur viole toutefois le contrat de transport. Ce comportement, contraire au droit, est néanmoins unanimement accepté dans la pratique. Plus encore, la validité de la lettre de garantie est reconnue tant par les tribunaux[36] que la doctrine.[37] Même les P&I Clubs fournissent à leurs membres des modèles de lettres de garanties à utiliser en cas de livraison sans connaissement[38].

 

La lettre de garantie constitue un engagement indépendant du contrat de transport[39]. Le signataire s’engage, généralement de façon irrévocable et à première demande, à indemniser le transporteur de toutes les conséquences de la livraison sans connaissement[40]. La nature de cette obligation est très large puisque elle couvre non seulement le remboursement de la valeur des marchandises mais également les éventuels dommages subis par le véritable titulaire du connaissement. En règle générale, le montant et la durée d’une lettre de garantie sont illimités[41].

 

A côté de cet engagement, le réceptionnaire de la marchandise s’oblige également de remettre au transporteur le connaissement dans les plus brefs délais[42]. En effet, malgré la lettre de garantie les obligations du transporteur demeurent intactes.[43]

 

En règle générale la lettre de garantie sera contresignée par une banque qui se portera caution du signataire. La responsabilité solidaire de la banque au côté du signataire ou l’engagement subsidiaire de celle-ci dépendra des circonstances ainsi que du contenu du contrat.[44]

 

Il ressort de ce qui précède que l’engagement du signataire est extrêmement lourd, surtout si le signataire n’est pas le réceptionnaire des marchandises mais uniquement son agent (par exemple le transitaire). En effet, dans cette hypothèse il ne dispose souvent plus de la possession de la marchandise et, malgré son droit de recours contre le destinataire des marchandises, rien ne lui garantit que son action sera couronnée de succès en particulier si ce dernier est insolvable. Il convient donc d’être très vigilant lors de la rédaction d’une lettre de garantie.[45]

 

La lettre de garantie reste en outre une institution dangereuse puisqu’elle dépend de la solidité financière du signataire. Elle est aussi coûteuse pour ce dernier dans la mesure où elle requiert un blocage substantiel de fonds pendant une durée indéterminée.[46]

 

III) LES AUTRES SUBSTITUTS DU CONNAISSEMENT A LA LIVRAISON

 

A)       La lettre de transport maritime

On l’a vu, la lettre de garantie au déchargement permet de palier dans une certaine mesure au problème de la livraison sans connaissement. Cette institution, développée par la pratique, demeure toutefois critiquable dans la mesure où elle est aléatoire et contraire au droit[47]. Lorsque la fonction de titre représentatif des marchandises n’est pas essentielle aux ayants droit de la cargaison, les parties ont la possibilité de se tourner vers un autre type de document de transport, la lettre de transport maritime (sea waybill)[48].

 

De création récente (1977), la lettre de transport maritime constitue une alternative intéressante au connaissement. Si par sa forme elle lui est similaire, elle n’en est pas moins différente s’agissant de ses fonctions. Certes, elle possède deux des caractéristiques dévolues au connaissement – un reçu des marchandises et une preuve du contrat de transport – mais elle n’est pas un titre représentatif de la marchandise et n’est pas un document négociable.[49]

 

Comme pour le connaissement, il appartient au transporteur d’émettre le document qui comporte en règle générale les mêmes énonciations. Le nom du destinataire ainsi que celui du chargeur doivent toutefois être expressément mentionnés. A l’arrivée, il suffira pour le destinataire, afin d’obtenir la livraison des marchandises, de justifier son identité sans avoir l’obligation de présenter le document. Ainsi, de par son caractère non négociable, la lettre de transport maritime permet efficacement de remédier au problème des livraisons sans connaissement. Le réceptionnaire des marchandises n’a plus à supporter le formalisme inhérent à l’emploi du connaissement.[50]

 

A noter qu’aujourd’hui la lettre de transport maritime fait l’objet de règles uniformes adoptées par le Comité Maritime International[51].

 

En règle générale, la lettre de transport maritime sera surtout utilisée dans des situations où l’émission d’un connaissement n’est pas nécessaire par exemple dans des opérations où il n’y a pas de vente accompagnant le contrat de transport (déménagement d’effets personnels, expédition entre deux sociétés d’un même groupe, etc.) ou lorsque vendeur et acheteur se connaissent suffisamment pour renoncer à l’émission d’un titre négociable.[52]

 

En revanche, bien que la lettre de transport maritime puisse être utilisable dans le cadre de l’émission d’un crédit documentaire, elle ne permet pas d’obtenir de la banque d’être créancier gagiste sur la marchandise[53].

 

Ainsi, si la lettre de transport maritime est une alternative au connaissement, elle ne saurait toutefois complètement le remplacer. La lettre de transport maritime permet certes d’éviter la lourdeur et la complexité du connaissement mais reste inadaptée lorsque la marchandise doit faire l’objet de transaction au cours du transport. La lettre de transport maritime doit donc coexister avec le connaissement et non le remplacer.[54]

 

On relèvera enfin que la lettre de transport maritime existe aussi sous forme électronique permettant ainsi d’éviter les retards liés à la poste. On parle alors de Data Freight Receipt (DFR), très répandu en pratique aujourd’hui.[55]

 

B)     Le connaissement électronique

Depuis ces dernières décennies les acteurs du transport maritime cherchent de reproduire électroniquement les fonctions des connaissements traditionnels sur papier. Les objectifs de cette initiative sont clairement de palier au problème de la livraison des marchandises sans titre, de limiter les coûts liés à l’utilisation du papier et de limiter les risques de fraudes résultant des connaissements matériels.[56]

 

Si le fait de dématérialiser un connaissement ne pose en principe pas de problème juridique en ce qui concerne les deux premières fonctions de ce dernier – reçu des marchandises et preuve de la conclusion d’un contrat de transport – il n’en est pas de même s’agissant de sa fonction de titre représentatif des marchandises[57]. En effet, peut-on conférer au connaissement électronique la qualité de titre négociable ? En l’état actuel de la législation des Etats, force est de répondre par la négative. En effet, beaucoup de systèmes juridiques attachent les droits de propriété des marchandises à la possession d’un document papier. Seule une modification législative peut donc permettre de conférer à un connaissement électronique la valeur de titre.[58]

 

Certes, la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique de 1996 consacre aux articles 16 et 17 l’équivalence fonctionnelle des documents de transport entre la forme papier et celle électroniques et offre aux Etats la possibilité d’harmoniser leur législation en matière de transfert de documents électroniques[59]. Toutefois, ces dispositions n’ont jusqu’à l’heure actuelle pas rencontré le succès escompté par les législateurs nationaux. Il n’y a donc aujourd’hui pas de cadre juridique uniforme et global pour reconnaître le connaissement électronique comme un titre négociable[60].

 

Il découle de ce qui précède que seuls des mécanismes contractuelles et sans « garantie juridique » peuvent être envisagés. Des initiatives en ce sens ont été prises dans le but de mettre au point des systèmes permettant de transférer en toute sécurité les droits sur les marchandises par le biais de messages électroniques, dits EDI (Electronic Data Interchange). Les premières tentatives notamment le SeaDocs Registry et le Cargo Key Receipt furent des échecs[61].

 

En 1990, le Comité Maritime International (CMI) a adopté des règles sur les connaissements électroniques. Il s’agit toutefois d’un système purement contractuel, ces règles n’ayant pas force de loi (règle 1).

 

La principale caractéristique de ces règles réside dans le fait que le transporteur envoie au chargeur un document électronique contenant des informations similaires à un connaissement sur papier (règle 4 a)). L’endossement de ce connaissement dématérialisé se fait à l’aide d’un code secret ou « clef confidentielle », qui est propre à chaque détenteur et intransmissible (règle 8 a)). Seul le titulaire de cette clé est en mesure de réclamer la livraison de la marchandise, de désigner le destinataire, de transférer les droits sur la marchandise et de donner des instructions au transporteur (règle 7 a)). Le détenteur se trouve ainsi dans la même position que s’il avait été en possession d’un connaissement original.[62]

 

Les règles du CMI, bien que séduisantes, n’ont toutefois pas été largement soutenues par les professionnels de la branche. Elles ont notamment fait l’objet de critiques liées à l’absence de disposition spécifique sur la transmission des droits du contrat de transport au destinataire et à l’absence de tout système de sécurité dûment spécifié. Par ailleurs, des doutes ont été exprimés quant à la règle 7 d) qui prévoit qu’un transfert électronique « a les mêmes effets qu’une transmission de ces droits en vertu d’un connaissement papier ». Comme il l’a été relevé ci-dessus, il apparaît en effet douteux que des parties puissent se soustraire contractuellement aux règles juridiques impératives de certains Etats interdisant l’endossement de titres par échange de données informatisées.[63]

 

*****

 

En 1999, un nouveau projet de connaissement électronique a vu le jour, le système BOLERO (Bill of Lading for Europe). Ce dernier, fondé sur les Règles du CMI, permet à ses utilisateurs (compagnies de transport, banques, transitaires, exportateurs, etc.) de communiquer entre eux par l’intermédiaire d’un registre central à l’aide de message EDI types. En clair, il s’agit d’une plate-forme sécurisée d’échange de documents électroniques. Les connaissements électroniques BOLERO se présentent sous une forme analogue aux connaissements traditionnels et possèdent exactement les mêmes fonctions (reçu des marchandises, preuve du contrat de transport et titre sur les marchandises). La clé de voute du système réside dans le registre des titres : ce dernier établit le contenu détaillé des connaissements et permet à chaque détenteur, grâce à un système sécurisé, de transférer les droits sur la marchandise à un autre utilisateur.[64]

 

Bien que BOLERO comporte de nombreux avantages en accélérant les transactions et en reproduisant les fonctions traditionnelles du connaissement papier, il reste d’un système fermé que seuls les abonnés peuvent utiliser. Il n’est en outre adopté que par un nombre limité de personnes et n’est opérationnel que si toutes les parties au contrat de transport sont membres de l’association. Enfin, de par sa sophistication, il est difficilement utilisable dans les pays du tiers monde.[65]

 

CONCLUSION

Le connaissement constitue la pièce maîtresse du contrat de transport maritime. Toutefois, au vu de l’accélération des échanges, il est considéré aujourd’hui comme un instrument lourd et inadapté à certaines situations. En particulier, la règle de présentation qui stipule que le transporteur ne doit livrer la marchandise que sur remise du connaissement paraît difficile à respecter. Certes, la pratique a imaginé diverses solutions pour pallier à ce problème comme par l’émission d’une lettre de garantie au déchargement ou d’une lettre de transport maritime. Ces mécanismes ont toutefois montré leurs limites et ne peuvent intégralement se substituer au connaissement.

 

Sans doute, le salut proviendra-t-il de la mise en place d’un véritable connaissement électronique. D’importants problèmes se dressent néanmoins. En particulier, il n’y a à l’heure actuelle aucune harmonisation ni consensus sur un système sécurisé d’EDI, seuls des mécanismes contractuels et limités sont disponibles (par exemple BOLERO). En outre, la négociabilité du connaissement constitue un obstacle de taille aux substituts électroniques. En effet, nombre de pays ne reconnaissent pas le connaissement électronique comme titre négociable.

 

Si certains états, comme la Corée du Sud récemment, ont intégré le connaissement électronique dans leur législation interne, beaucoup d’Etats comme Singapour ou le Royaume Uni n’ont pas encore fait le pas[66]. Il reste donc un long chemin à parcourir.

 

L’entrée en vigueur des Règles de Rotterdam, qui contiennent des dispositions spécifiques sur le connaissement électronique (chapitre 3), permettront peut-être de donner à ce dernier un nouveau départ.

 

BIBLIOGRAPHIE

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http://www.legavox.fr/blog/docteur-karim-adyel/importance-fonctions-connaissement-dans-operations-3272.htm.

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  • COMMISSION DES NATIONS UNIES POUR LE DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL, Annuaire, Volume XXXII : 2001, Publication des Nations Unies 2001.

 

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http://www.unctad.org/fr/docs/c3em12d2.fr.pdf.

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  • DEBATTISTA Charles, Bills of Lading in Export Trade, Tottel 2009.

 

  • FAYE Ngagne, La livraison sans connaissement, 2008 :

http://www.cdmt.droit.univ-cezanne.fr/fileadmin/CDMT/Documents/Memoires/FAYE_NEW_Memoire_-_La_livraison_sans_connaissement.pdf.

  • GIRVIN Stephen, Carriage of goods by sea, Second edition, Oxford 2011.

 

  • HILL Christopher, Maritime Law, sixth edition, LLP 2003, London, Hong Kong.

 

  • MAJSTOROVIC Solenne, La livraison sans connaissement :

http://www.univ-lehavre.fr/enseign/fai/guenole/majstororovic.pdf.

  • WILSON John F, Carriage of goods by sea, seventh edition, Pearson 2010.

[1] ADYEL Karim, L’importance des fonctions du connaissement dans les opérations de commerce international par mer, http://www.legavox.fr/blog/docteur-karim-adyel/importance-fonctions-connaissement-dans-operations-3272.htm.

[2] BONASSIES Pierre, SCAPEL Christian, Droit maritime, 2ème édition, L.G.D.J 2010, p. 669; DAVIES Martin, DICKEY Anthony, Shipping Law, Third edition, Lawbook CO. 2004, p. 165-166.

[3] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 670; DAVIES, DICKEY op. cit., p. 165.

[4] BONASSIES, SCAPEL, ibid.

[5] Sanders Brothers v Maclean & Co [1883] 11 QBD 327.

[6] DAVIES, DICKEY, op. cit., p. 262; DEBATTISTA Charles, Bills of lading in Export Trade, Tottel 2009, p. 26-27.

[7] DEBATTISTA, op. cit., p. 27.

[8] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 671; DAVIES, DICKEY, op. cit., p. 262; GIRVIN Stephen, Carriage of goods by sea, Second edition, Oxford 2011, p. 142.

[9] DEBATTISTA, op. cit., p. 37-38.

[10] DEBATTISTA, op. cit., p. 29.

[11] The Stettin (1889) 14 PD 142 in GIRVIN op. cit., p. 144.

[12] DEBATTISTA, op. cit., p. 30-32.

[13] CHAN Felix W. H., NG Jimmy J. M., WONG Bobby K. Y., Shipping and logistics law (Principles and Practice in Hong Kong), Hong Kong University Press 2002, p. 229-237.

[14] JI Mac William Co Inc v Mediterranean Shipping Co SA (The Rafaela S) [2005] UKHL 11.

[15] Voss v APL Co Pte Ltd [2002] 2 Lloyd’s Rep 707, at [33] in GIRVIN op. cit., p. 151.

[16] Carewins Development (China) Ltd v Bright Fortune Shipping Ltd [2009] 3 HKLRD 409.

[17] Beluga Shipping GmbH & Co v Headway Shipping Ltd [2008] FCA 1791.

[18] Arrêt de la Cour de Cassation n° 891 du 19 juin 2007.

[19] DAVIES, DICKEY op. cit., p. 168.

[21] WILSON John F, Carriage of goods by sea, seventh edition, Pearson 2010, p. 158.

[22] GIRVIN, op. cit., p. 143.

[23] DEBATTISTA, op. cit., p. 39.

[24] SA Sucre Export v Northern River Shipping Ltd (The Sormovskiy 3068), [1994], 2 Lloyd’s Rep 266.

[25] Sze Hai Tong Bank Ltd v Rambler Cycle Co Ltd [1959] AC 576 (PC); AIKENS Richard, LORD Richard, BOOLS Michael, Bills of lading, Informa 2006, London, p. 99.

[26] CHAN, NG, WONG, op. cit., p. 231; GIRVIN, op. cit., p. 157-158; HILL Christopher, Maritime Law, sixth edition, LLP 2003, p. 254.

[27] Nissho Iwai (Australia) Ltd v Malaysian International Shipping Corp Berhad [1989] 167 CLR 219; HILL, op. cit., p. 255; AIKENS, LORD, BOOLS, op. cit., p. 93.

[28] Motis Exports Ltd v Dampskibsselskabet AF 1912 [2000] 1 Lloyd’s Rep 211 (CA); Sze Hai Tong Bank Ltd v Rambler Cycle Co Ltd [1959] AC 576 (PC); DAVIES, DICKEY, op. cit., p. 262-263; GIRVIN, op. cit., p. 149.

[29] Motis Exports Ltd v Dampskibsselskabet AF 1912 [2000] 1 Lloyd’s Rep 211 (CA); HILL, op. cit., p. 255.

[30] Motis Exports Ltd v Dampskibsselskabet AF 1912 [1999] 1 Lloyd’s Rep 837; Trafigura Beheer BV v Mediterranean Shipping Co SA (The Amsterdam) [2007] 2 Lloyd’s Rep 622; GIRVIN, op. cit., p. 145; FAYE, op. cit., p. 23; WILSON, op. cit., p 155.

[31] Arrêt du 22 novembre 1996 de la Cour d’Appel de Paris, Société Autorex France c/ Société Galion, BTL 1997, p. 199; FAYE, op. cit., p. 22.

[32] WILSON, op. cit., p. 157.

[33] WILSON, op. cit., p. 157.

[34] Kuwait Petrolum Corporation v I&D Oil Carriers Ltd (The Houda) [1994] 2 Lloyd’s Rep. 541 (CA).

[35] HILL, op. cit., p. 254.

[36] Pacific Carriers Ltd v BNP Paribas [2004] HCA 35; Kuwait Petrolum Corporation v I&D Oil Carriers Ltd (The Houda) [1994] 2 Lloyd’s Rep. 541 (CA); Arrêt de la Cours de Cassation du 22 Mai 2007, JCP G n°30, 25 Juillet 2007 (France).

[37] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 710-711; FAYE, op. cit., p. 65-67.

[38] FAYE, op. cit., p. 67.

[39] The Stone Gemini [1999] 2 Lloyd’s Rep 255. Arrêt de la Cour de Cassation du 17 juin 1997, pourvoi N° 95-13895, Legifrance.

[40] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 710-711.

[41] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 710.

[42] HILL, op. cit., p. 254.

[43] The Stone Gemini [1999] 2 Lloyd’s Rep 255; SA Sucre Export v Northern River Shipping Ltd (The Sormovskiy 3068) [1994] 2 Lloyd’s Rep 266.

[44] GIRVIN, op. cit., p. 156.

[45] FAYE, op. cit., p. 56.

[46] WILSON, op. cit., p. 158.

[47] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 673.

[48] BONASSIES, SCAPEL, ibid; WILSON, op. cit., p. 159.

[49] DEBATTISTA, op. cit., p. 40-41, MAJSTOROVIC Solenne, La livraison sans connaissement, http://www.univ-lehavre.fr

/enseign/fai/guenole/majstororovic.pdf, p. 78-79.

[50] DEBATTISTA, op. cit., p. 42-44; WILSON, op. cit., p. 159-160.

[51] WILSON, op. cit., p. 160.

[52] DEBATTISTA, op. cit., p. 41; WILSON, op. cit., p. 159.

[53] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 673.

[54] MAJSTOROVIC, op. cit., p. 82; WILSON, op. cit., p. 160.

[55] BONASSIES, SCAPEL, op. cit., p. 673; FAYE, op. cit., p. 78-79.

[56] CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LE DEVELOPPEMENT, Rapport du 31 juillet 2001 sur le commerce électronique et les services de transports internationaux, http://www.unctad.org/fr/docs/c3em12d2.fr.pdf, p. 15; GIRVIN, op. cit., p. 197.

[57] WILSON, op. cit., p. 166.

[58] AIKENS, LORD, BOOLS, op. cit., p. 35-36 ;CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LE DEVELOPPEMENT, op. cit., p. 19; GIRVIN, op. cit., p. 200-201.

[59] GIRVIN, op. cit., p. 198.

[60] CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LE DEVELOPPEMENT, op. cit., p. 20.

[61] GIRVIN, op. cit., p. 201-202.

[62] GIRVIN, op. cit., p. 203-205.

[63] CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LE DEVELOPPEMENT, op. cit., p. 21; GIRVIN, op. cit., p. 205.

[64] CHAN, NG, WONG, op. cit., p. 237-243 ; COMMISSION DES NATIONS UNIES POUR LE DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL, Annuaire, Volume XXXII : 2001, Publication des Nations Unies 2001, p. 311-313.

[65] WILSON, op. cit., p. 170-171.

[66] Ces deux Etats se sont toutefois réservés cette possibilité dans leur droit interne (Section 1(5) Bills of Lading Act et Carriage of Goods by Sea Act).

 

Crimes fiscaux et blanchiment d’argent – Le nouveau cheval de bataille du GAFI

Par Lorenzo CROCE, avocat au Barreau de Genève

 

Déjà très fortement mis à mal par la reprise de l’article 26 MC-OCDE dans les nouvelles CDI négociées par la Suisse, par l’abandon de la distinction entre évasion et fraude fiscale ainsi que par la divulgation des 4000 noms de clients UBS au fisc américain, le secret bancaire helvétique risque d’être définitivement mort et enterré dans les prochains mois suite à la nouvelle proposition fracassante du GAFI.

 

Le Groupe d’action financière (GAFI), dont le secrétariat est rattaché administrativement à l’OCDE, vient en effet d’établir un avant-projet prévoyant de qualifier les crimes fiscaux (Tax Crimes) d’infraction préalable au blanchiment d’argent. En clair, si une telle proposition devait aboutir, cela signifierait que toute personne qui aurait accepté en dépôt, aidé à transférer ou géré des fonds en sachant ou en devant présumer que ceux-ci provenaient d’infractions fiscales risquerait de se voir poursuivi pour blanchiment d’argent au sens de l’article 305bis CP. Les intermédiaires financiers, auraient quant à eux l’obligation d’annoncer systématiquement les soupçons d’infractions fiscales au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS).

 

Bien qu’aucune décision formelle n’ait encore été prise, il a tout lieu de penser que l’assemblée plénière du GAFI adoptera cette proposition fin 2011, dans le cadre de sa révision partielle de ses standards en vue du quatrième cycle des évaluations mutuelles qui devrait commencer en 2013. Sur fond de crise financière, la pression internationale et notamment celle des pays du G20 est en effet grande. Car, il ne faut point s’y tromper, cette proposition ne vise pas à combattre le crime organisé. Il ne s’agit là que d’un pur prétexte. Au nom de la lutte contre le blanchiment d’argent, on vise en réalité à renflouer les caisses des Etats en transformant les banques et autres intermédiaires financiers en agents du fisc pour l’étranger. Ainsi, plus besoin de débourser des millions pour acheter des CD de données volées !

 

Cette criminalisation du monde économique n’est toutefois ni souhaitable, ni justifiée : Si l’on peut admettre que les canaux employés pour recycler des capitaux sont souvent les mêmes que ceux utilisés pour dissimuler de l’argent au fisc, la similarité entre délit fiscaux et blanchiment d’argent s’arrête là.

 

Le blanchiment d’argent consiste à réintroduire dans le circuit économique des fonds d’origine criminelle par des procédés faisant perdre la trace de l’argent.

 

Or, dans le cadre de fonds soustraits au fisc, ceux-ci ont clairement une origine légale (revenu, fortune, succession, donation etc.). Il ne s’agit pas d’occulter des valeurs patrimoniales illicites en leur conférant une apparente justification légale, mais d’éviter la mainmise des autorités fiscales sur des fonds ayant une provenance légale. Il apparait dès lors douteux que l’on puisse blanchir de l’argent provenant d’infractions fiscales.

 

Par ailleurs, en Suisse, seuls les crimes, soit les infractions passibles d’une peine privative de liberté de plus de trois ans, sont susceptibles de constituer des infractions préalables au délit de blanchiment d’argent. En conséquence, si la proposition du GAFI abouti, il conviendra d’ériger les délits fiscaux en crime. Or, la gravité de ceux-ci, en particulier l’évasion fiscale est sans commune mesure avec celle des autres infractions susceptibles de recyclage. Il y a là une véritable disproportion à mettre sur un même pied d’égalité le blanchiment d’argent provenant de crimes fiscaux et celui provenant du trafic de drogue, du terrorisme ou de la prostitution.

 

Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de cette proposition, risque de soulever d’importantes difficultés.

 

Tout d’abord, il conviendra de déterminer ce que l’on entend par « crimes fiscaux ». Le GAFI à cet égard, à volontairement renoncé à définir plus précisément cette notion – hormis le fait que tant les impôts directs qu’indirects seront visés – laissant le soin à chaque pays de décider en conformité avec son droit interne ce qu’il entend par ces termes. Que décidera donc la Suisse ? Fixera-t-elle des montants limites de soustraction au-delà desquelles on considérera qu’il s’agit de crimes ou édictera-t-elle un catalogue d’infractions ? L’évasion fiscale en fera-t-il partie et cas échéant, où sera la frontière entre planification fiscale, pratique légale, et évasion. D’après l’Ambassadeur Alexandre Karrer en charge du dossier de la Suisse auprès du GAFI « les crimes fiscaux doivent absolument être réservés à des infractions d’une extrême gravité comme des falsifications comptables ou des détournements de fonds ». On peut toutefois douter que la Suisse résiste face à la pression internationale et il y a des chances pour que l’évasion fiscale soit considérée comme infraction préalable au blanchiment d’argent.

 

L’adoption de la nouvelle règlementation posera également des problèmes en terme d’investigation : Pratiquement, comment un intermédiaire financier pourra-t-il s’assurer que les fonds reçus de son client ont été déclarés au fisc ? Conviendra-t-il de faire signer au client un formulaire type ou faudra-t-il solliciter du fisc étranger une attestation de déclaration d’avoirs, en sachant que les déclarations fiscales ne sont généralement émises que plusieurs années après l’acquisition des revenus. De même, comment un intermédiaire financier pourra-il mener les enquêtes nécessaires s’agissant de fonds transmis de générations en générations ?

 

Autant de questions qui n’ont à l’heure actuelle aucune réponse.

 

Sur le plan organisationnel, il conviendra dans tous les cas d’engager et de former un nombre important de collaborateurs et ce tant au niveau des autorités que des intermédiaires financiers. Cette mesure engendrera d’importants coûts supplémentaires qui seront directement répercutés sur le client. A cet égard, la compétitivité de la place financière helvétique risque d’être mise à mal car, à la différence de certains pays, la Suisse veut toujours faire figure de bon élève et il n’y a nul doute qu’elle appliquera rigoureusement cette nouvelle réglementation.

 

On la vu, il n’est ni justifié, ni souhaitable de soumettre les infractions fiscales aux articles 305bis et 305ter CP ainsi qu’à la LBA. La nouvelle proposition du GAFI vise uniquement à permettre l’acquisition de ressources par le fisc étranger et non à lutter contre le crime organisé. Pire encore, le risque d’affaiblir le système de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est grand au vu du raz-de-marée de communications au MROS qui risque de se produire. Par ailleurs, au delà des coûts engendrés, cette proposition est extrêmement compliquée à mettre en œuvre en particulier pour les intermédiaires financiers qui ne dispose que de moyens d’investigation limités pour exercer leurs devoirs de diligence.

 

Au final, il existe d’autres solutions efficaces pour lutter activement contre les fraudeurs du fisc. La Suisse a d’ailleurs d’ores et déjà pris de telles mesures en accordant l’entraide non seulement en cas de fraude mais également d’évasion fiscale. Par ailleurs, la mise en place d’un impôt libératoire à la source (projet « Rubik »), actuellement discuté avec l’Allemagne et l’Angleterre, permettrait de résoudre définitivement le problème tout en sauvegardant le secret bancaire suisse. Il convient dès lors de privilégier cette approche plutôt que d’utiliser abusivement le système de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

L’impact de la montée des océans sur la délimitation des zones maritimes

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Par Lorenzo Croce, avocat au Barreau de Genève, LL.M.

Introduction

Petit pays du Pacifique Sud dont l’altitude moyenne ne dépasse pas 3 mètres, l’archipel de Tuvalu risque d’être définitivement rayé des cartes dans les prochaines décennies en raison du réchauffement climatique[1].

 

D’après les dernières estimations des experts, la hausse du thermomètre va engendrer une élévation du niveau des mers de plus de 1 mètre à l’horizon 2100[2]. Les experts de la NASA vont même jusqu’à parler de 2.25 mètres ![3]

 

Alors que les îles Kiribati envisagent très sérieusement de déplacer leurs habitants sur des îles flottantes construites sur le modèle de plateformes pétrolières géantes[4], de nombreuses questions juridiques se posent. Parmi elles, figure celle de déterminer les conséquences de l’élévation du niveau des océans sur le tracé des lignes de base et plus généralement sur la délimitation des différentes zones maritimes.

 

Si ce problème peut paraître anodin comparé au défi humanitaire qui se présente, il reste d’une importance certaine car il entraîne dans son sillage toute une série de conséquences géopolitiques et économiques, surtout dans le contexte actuel où les ressources naturelles se font de plus en plus rares.

 

Dans la cadre de cet article nous entendons présenter les différentes implications que le réchauffement climatique engendrera sur les frontières maritimes et nous nous efforcerons d’esquisser des solutions pour remédier à ce problème étonnamment peu débattu en doctrine. D’ores et déjà, il sied de préciser qu’il n’y a aujourd’hui ni convention internationale qui règles expressément la question, ni consensus parmi les Etats.

 

A titre préliminaire, un bref rappel sur les différentes zones maritimes et leur tracé s’impose.

 

I) Concepts principaux

D’après la Convention des Nations unies du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer (ci-après « UNCLOS »), les espaces maritimes peuvent être divisés principalement en six zones :

 

–         Les eaux intérieures ; Elles sont situées en deçà des lignes de base et comprennent les eaux maritimes adjacentes au territoire terrestre de l’Etat riverain (article 8 § 1 UNCLOS). Ces eaux restent soumises à la souveraineté totale de l’Etat côtier[5].

 

–         La mer territoriale, large de 12 milles marins à partir de la ligne de base, est la zone de mer adjacente aux eaux intérieures (articles 2 § 1 et 3 UNCLOS). Elle représente la limite vers le large de la souveraineté de l’Etat riverain et concerne tant l’espace aérien que marin et sous-marin (article 2 § 2 UNCLOS). Les navires étrangers ne disposent que d’un droit de passage inoffensif (articles 17ss UNCLOS) et sont tenus de respecter la législation nationale de l’Etat côtier (régulation du trafic maritime, fiscalité, immigration, protection de l’environnement, recherche scientifique marine, etc.) (article 21 § 1 UNCLOS).

 

–         Adossée à la mer territoriale, la zone contigüe s’étend jusqu’à 24 milles des lignes de base. A l’intérieur de cette zone, l’État côtier n’y exerce pas sa pleine souveraineté mais dispose notamment de pouvoirs de police en matière douanière, fiscale, sanitaire et d’immigration (article 33 UNCLOS).

 

–         La zone économique exclusive (ci-après « ZEE »), adjacente à la mer territoriale, possède une largeur maximum de 200 milles (article 57 UNCLOS). L’Etat riverain y exerce des compétences en matière de protection de l’environnement, de recherche scientifique, d’exploration et d’usage des ressources naturelles (article 56 § 1 UNCLOS). Les autres Etats y jouissent d’une totale liberté de navigation, de survol et du droit de poser des câbles et pipelines (article 58 § 1 UNCLOS).

 

–         Le plateau continental constitue le prolongement immergé de la masse terrestre de l’Etat riverain et s’étend sur 200 milles à partir des lignes de base lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure ou jusqu’à 350 milles des lignes de base (ou 100 miles de l’isobathe des 2500 mètres) s’il est plus large (article 76 UNCLOS). L’Etat côtier dispose sur cette zone de droits souverains quant à l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles (article 77 § 1 UNCLOS). Les autres Etats bénéficient sur le plateau continental des libertés de la haute mer[6].

 

–         Enfin, la haute mer qui n’est soumise à l’autorité d’aucun Etat et qui se situe au-delà de la limite extérieure de la ZEE, soit au maximum à 200 milles des lignes de base (article 86 UNCLOS).

 

Il ressort de ce qui précède que ce sont les lignes de base qui servent à la délimitation des zones maritimes[7].

 

Pour tracer ces lignes de base, deux situations sont à envisager :

 

D’une part, lorsque la côte est relativement rectiligne, les lignes de bases sont dessinées à partir de la laisse de basse mer, soit la ligne sur laquelle se retirent les eaux aux marées les plus basses de l’année, telle qu’elle est indiquée sur les cartes marines officielles de l’Etat côtier (article 5 UNCLOS). Il découle de cette situation que les délimitations de la mer territoriale et des autres zones auront une configuration parfaitement parallèle à la côte[8].

 

D’autre part, lorsque la côte est trop irrégulière pour permettre un tracé des lignes de base relativement rectiligne (les fjords par exemple) ou qu’il existe un chapelet d’îles le long de la côte (habitables ou non), le droit international autorise l’Etat à fixer celles-ci sur la base de lignes de base droites qui prendront appui sur les points les plus avancés de la côte comme les caps ou les îlots côtiers (article 7 § 1 UNCLOS). Il en résulte un élargissement de la mer territoriale et des eaux intérieures[9]. Le tracé des lignes de base droite ne doit toutefois pas s’écarter sensiblement de la direction générale de la côte et les étendues de mer situées en deçà doivent être suffisamment liées au domaine terrestre pour être soumises au régime des eaux intérieures (article 7 § 3 UNCLOS).

 

A noter que si deux Etats ont des côtes adjacentes ou qui se font face, on applique généralement le principe de l’équidistance à partir des lignes de base de chacun pour délimiter les mers territoriales et zones contigües respectives, à moins que ceux-ci ne parviennent à un accord. On pourra également tenir compte de l’existence de titres historiques ou d’autres circonstances spéciales (article 15 UNCLOS).[10] S’agissant du tracé de la ZEE et du plateau continental, c’est le principe de la solution équitable qui prévaut (article 74 § 1 UNCLOS).

 

Aussi, les Etats archipels, (comme par exemple l’Indonésie, les îles Maldives, les Philippines, etc.) peuvent, à certaines conditions, tracer des lignes de base droites dites « archipélagiques » reliant les points extrêmes des îles les plus éloignées et des récifs découvrants de l’archipel (article 47 § 1 UNCLOS). En deçà de ces lignes, un régime particulier s’applique avec une zone maritime propre, dite « d’eaux archipélagiques » (article 49 UNCLOS).

 

Les hauts-fonds découvrants ne sont ni des îles, ni des rochers au sens de l’article 121 § 3 UNCLOS. Ils sont définis comme des élévations naturelles de terrain entourées par la mer alternativement couvertes et découvertes par les marées (article 13 § 1 UNCLOS). La Convention prévoit que des lignes de base droites peuvent être tracées vers ou depuis des hauts-fonds découvrants si des phares ou des installations similaires émergées en permanence y ont été construits, ou que le tracé de telles lignes a fait l’objet d’une reconnaissance internationale (article 7 § 4 UNCLOS a contrario).

 

Aussi, lorsqu’ils sont situés, en totalité ou en partie, à une distance du continent ou d’une île ne dépassant pas la largeur de la mer territoriale (12 miles), la laisse de basse mer sur ces hauts-fonds peut être prise comme ligne de base pour mesurer la largeur de la mer territoriale. Ainsi, l’étendue de la mer territoriale (uniquement) peut être élargie de manière significative par la présence d’un haut fond découvrant, construit ou non, à l’intérieur de celle-ci[11]. En revanche, lorsque le haut-fond découvrant se situe en dehors de la mer territoriale d’un Etat, il n’a pas de mer territoriale qui lui est propre (article 13 § 2 UNCLOS).

 

La Convention UNCLOS définit une île « comme une étendue naturelle de terre entourée d’eau qui reste découverte à marée haute »(article 121 § 1). Les îles appartenant à un Etat, qu’elles soient isolées ou en archipel, à l’intérieur de la mer territoriale ou non, ont la possibilité de tracer leurs propres lignes de base. Cela implique qu’elles peuvent avoir leurs eaux intérieures et leur mer territoriale (article 121 § 2 UNCLOS). En revanche, seuls les rochers qui se prêtent à l’habitation humaine ou à une vie économique propre ont le droit de revendiquer une zone exclusive ou un plateau continental (article 121 § 3 UNCLOS a contrario).

 

A noter que dans le cas d’atolls ou d’îles bordées de récifs frangeants, la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale est la laisse de basse mer sur le récif côté large (article 6 UNCLOS).

 

Enfin, on relèvera qu’une île artificielle ne peut en aucun cas revendiquer une mer territoriale, une zone économique exclusive ou un plateau continental qui lui soit propre (article 60 § 8 UNCLOS).

 

II) Conséquences de la montée du niveau des océans

En raison du réchauffement climatique, le visage de la terre tel qu’on le connaît aujourd’hui va substantiellement se modifier dans le futur.

 

En effet, l’élévation du niveau des mers en raison de la dilatation de l’eau des océans sous l’effet de la chaleur et de la fonte des glaces terrestres va engendrer une accélération de l’érosion côtière et l’inondation d’importantes zones basses du rivage[12]. Par ailleurs, des îles disparaîtront et certaines deviendront inhabitables contraignant de nombreuses populations à l’exil.

 

Bien entendu, ces effets ne seront pas les mêmes sur l’ensemble du globe et des régions seront plus touchées que d’autres comme l’Asie du Sud-Est en raison notamment de la présence de nombreux deltas (delta du Mékong, delta du Chao Praya), côtes basses (le Nord des côtes de Java et de Sumatra et la côte Sud du Kalimantan seront les plus concernées) et îles à faible altitude (Tuvalu, Kiribati, îles Marshall, Tokelau, etc.).[13]

 

Ces changements considérables auront un impact significatif sur la délimitation des différentes zones maritimes.

 

En effet, comme nous l’avons vu, les frontières maritimes sont établies à partir des lignes de base, elles-mêmes tracées sur la laisse de basse mer. Or, il est certain qu’une élévation du niveau des mers aura pour conséquence de modifier le contour des lignes de base. Partant, les différentes zones maritimes ne porteront plus nécessairement sur les mêmes espaces marins préalablement concernés.[14]

 

De même, le fait que des hauts-fonds découvrants seront submergés de façon permanente par les eaux engendrera une réduction significative de l’étendue de la mer territoriale et des eaux intérieures d’un Etat côtier[15].

 

Aussi, la disparition totale d’une île ou la perte de son caractère habitable ou économique au sens de l’article 121 § 3 UNCLOS la privera de revendiquer respectivement une mer territoriale ou une ZEE[16]. Le plateau continental ne devrait toutefois pas être concerné (voir l’article 76 § 9 UNCLOS)[17].

 

Enfin, s’agissant des atolls et des îles bordées de récifs frangeants, l’étendue de la mer territoriale et des eaux intérieures de ces dernières sera réduite par le recouvrement des récifs[18].

 

Il est impossible de détailler ici toutes les conséquences économiques et géopolitiques que cela impliquera. On peut toutefois imaginer celles-ci: La perte d’une partie de la souveraineté d’un Etat côtier résultant d’une réduction de l’étendue de ses eaux intérieures ou archipélagiques ou de la mer territoriale ; la modification ou la disparition d’une ZEE engendrant une perte d’exploitation des ressources naturelles de l’Etat riverain (pêche, minerais, pétrole, etc.) ; ou encore la modification des régimes de passage au travers des différentes zones maritimes (par exemple lorsqu’une une zone appartenant à la mer territoriale et tenue au régime du passage innocent fera désormais partie de la ZEE soumise au régime de la liberté de navigation et de survol). [19]

 

Il va sans dire que ces modifications vont entraîner des tensions politiques, en particulier s’agissant de la liberté de navigation et de l’accès aux ressources maritimes[20]. A titre d’exemple on peut aisément imaginer les conséquences politiques d’une élévation du niveau de la mer sur le passage des navires de guerre en mer de Chine.

 

III) Une lacune de la loi

Comment la Convention UNCLOS appréhende-t-elle le problème du réchauffement climatique ?

 

Il y a là un vide juridique : en effet, celle-ci ne contient pratiquement aucune disposition quant aux conséquences de la montée du niveau des eaux sur les lignes de base, les îles et hauts-fonds découvrants. En particulier, la Convention laisse ouverte la question fondamentale de savoir si les zones maritimes se déplacent.[21]

 

La doctrine majoritaire répond toutefois par l’affirmative[22]. Elle base son raisonnement sur deux dispositions de la Convention :

 

D’après l’article 76 § 9 UNCLOS, « L’Etat côtier remet au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies les cartes et renseignements pertinents, y compris les données géodésiques, qui indiquent de façon permanente la limite extérieure de son plateau continental. » [Nous soulignons].

 

Par ailleurs, l’article 7 § 2 UNCLOS stipule que « Là où la côte est extrêmement instable en raison de la présence d’un delta et d’autres caractéristiques naturelles, les points appropriés peuvent être choisis le long de la laisse de basse mer la plus avancée et, même en cas de recul ultérieur de la laisse de basse mer, ces lignes de base droites restent en vigueur tant qu’elles n’ont pas été modifiées par l’Etat côtier conformément à la Convention. » [Nous soulignons].

 

En se fondant sur une interprétation a contrario de ces deux dispositions, la doctrine estime que dans la mesure où la Convention ne fixe de façon permanente que les limites extérieures du plateau continental et les lignes de base des deltas, les frontières des autres zones maritimes, soit celles de la mer territoriale, de la zone contigüe et de la ZEE, sont mobiles[23].

 

Il résulte de ce qui précède que si une ligne de base est déplacée, ces zones maritimes se déplacent également. Il en va de même si une île ou un haut fond découvrant disparaît suite à l’élévation du niveau des eaux.[24]

 

Cette position nous paraît toutefois critiquable :

 

En effet, outre les coûts que les Etats côtiers devront supporter pour ajuster et corriger le tracé de leurs lignes de base, il y a une véritable insécurité juridique à modifier systématiquement les frontières maritimes[25]. La montée du niveau des océans n’est d’ailleurs pas un événement ponctuel mais au contraire il s’inscrit dans la durée. Les navires seront donc difficilement à même de déterminer précisément dans quelle zone ils se trouvent et à quels droits ils sont soumis (droit de pêche, droit de passage inoffensif, etc.).

 

Par ailleurs, il résultera indubitablement des conflits entre les pays s’agissant de l’exploitation des ressources naturelles, spécialement entre ceux qui ont des côtes adjacentes ou qui se font face[26]. Les Etats « perdants » n’hésiteront pas à dépenser des milliards pour tenter de maintenir le statu quo et défendre par tous les moyens leurs lignes de base, îles et autres rochers[27]. A titres d’exemples, on peut citer le projet insensé de l’Indonésie qui prévoit de construire des digues géantes autour de douze îles afin de protéger sa mer territoriale[28] ou encore le cas de l’île d’Okinotorishima où les Japonais dépensent des sommes colossales pour empêcher l’érosion de celle-ci et revendiquer ainsi une ZEE[29].

 

Quoi qu’il en soit, il n’y a aujourd’hui à notre connaissance aucun tribunal qui n’ait tranché spécifiquement la question au niveau international.

 

Il nous paraît toutefois évident que si la Cour International de Justice devait être saisie d’un tel litige, elle appliquerait le principe d’équité comme elle l’a d’ailleurs toujours fait et encore dernièrement dans l’affaire Nicaragua c/ Honduras (2007) où elle a utilisé la méthode du tracé de la ligne bissectrice (à la place de la ligne d’équidistance) en raison notamment du caractère changeant du littoral. Ainsi, en matière de délimitation maritime, c’est bien la recherche d’une solution équitable qui prévaut et il n’y a aucune raison que les tribunaux modifient cette approche dans le futur.[30]

 

Au final, on peut légitimement se demander, au vu de l’incertitude juridique qui règne actuellement et des coûts que cela impliquerait, si un Etat dispose réellement d’un intérêt à modifier ses lignes de bases. On peut en douter ; D’ailleurs, dans la très grande majorité des cas, il résulterait pour l’Etat côtier une réduction de l’étendue de ses zones maritimes et non uniquement un simple déplacement.

 

On peut néanmoins imaginer des situations où un autre pays que celui directement concerné bénéficierait d’un tel intérêt. On peut notamment penser aux cas où un pays (les Etats-Unis et la Chine notamment) exigerait une totale liberté de navigation dans une zone particulière ou encore un Etat qui verrait sa mer territoriale ou sa ZEE s’élargir en raison du recul de la côte basse d’un autre Etat adjacent ou opposé.[31]

 

S’agissant de ce dernier point, on relèvera que si aujourd’hui beaucoup de pays riverains ont signé – suite ou non à des décisions de la Cour Internationale de Justice – des accords bilatéraux ou multilatéraux qui délimitent leurs frontières maritimes respectives, on peut néanmoins douter que ceux-ci résistent aux changements climatiques à venir. Certes, l’article 62 § 2 let. a) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités qui prévoit qu’ « un changement fondamental de circonstances ne peut pas être invoqué comme motif pour mettre fin à un traité ou pour s’en retirer s’il s’agit d’un traité établissant une frontière » laisse penser que le tracé des zones maritime entre pays signataires de conventions est définitif, rien n’est certain que cette règle perdure dans le contexte particulier de l’élévation du niveau des océans et notamment dans le cas où c’est la disparition d’îles entières ou de hauts-fonds découvrants qui est en cause.[32]

 

Nous sommes dès lors de l’avis que les traités actuelles reposent sur des bases fragiles et que l’incertitude juridique ambiante contribue à entretenir les tensions entre les Etats sur ce sujet brûlant. Certes, on pourra toujours compter sur les mécanismes de règlement des litiges de la Convention UNCLOS (partie XV et annexes V à VIII UNCLOS) mais cela suffira-t-il dans ce contexte particulier ?

 

IV) Quelles solutions ?

Au vu de ce qui précède, ne serait-il pas plus judicieux de délimiter une fois pour toutes le tracé des zones maritimes ?[33]

 

Ainsi, les Etats pourraient concentrer leurs efforts dans la préservation de l’environnement marin ainsi que sur les problèmes humanitaires, notamment celui des réfugiés climatiques. En outre, cette solution présenterait l’avantage de réduire les coûts d’ajustement des frontières maritimes et d’éviter une insécurité juridique. Enfin, elle permettrait de conserver l’actuelle allocation des ressources sur les océans et serait plus juste et équitable pour les populations dans la mesure où les changements climatiques n’affecteront pas les Etats de manière égale.[34]

 

Cette solution, bien que séduisante, soulève néanmoins un certain nombre de problèmes :

 

Sur le plan juridique d’abord, il n’existe à l’heure actuelle aucune base légale au niveau international pour geler les limites des zones maritimes.

 

On pourrait certes interpréter extensivement l’article 7 § 2 UNCLOS mais les travaux préparatoires semblent plutôt indiquer que cette disposition visait à s’appliquer uniquement aux deltas. [35]

 

Sans doute, une meilleure solution consisterait à amender la Convention UNCLOS ; Toutefois, cette procédure nécessiterait la convocation d’une conférence acceptée par au moins la moitié des Etats parties à la Convention et un accord par voie de consensus (article 312 UNCLOS). Par ailleurs, certains Etats, dont les Etats-Unis ne l’ont toujours pas ratifiée.

 

Alternativement, il serait possible de développer une nouvelle coutume internationale ; Elle serait néanmoins soumise aux conditions de la pratique des Etats concernés et de l’opinio juris, mais une fois établie, elle aurait le mérite de régler la question de manière uniforme et définitive.[36]

 

Une autre hypothèse consisterait à permettre aux Etats de revendiquer des droits historiques sur les zones maritimes concernées. Véritable entorse aux règles générales du droit international, cette théorie dite des « eaux historiques » permet à un Etat de déclarer qu’un espace maritime fait partie de ses eaux intérieures s’il a exercé sur celui-ci sa souveraineté de manière claire, effective et sans interruption pendant un laps de temps considérable et avec l’assentiment de la communauté internationale[37]. Ainsi, il s’agirait en l’espèce d’étendre cette règle aux autres zones maritimes (notamment à la mer territoriale et à la ZEE) afin d’assurer aux Etats la pérennité de leurs droits sur ces espaces marins. Cette solution fait toutefois l’objet de nombreuses critiques de la part de la doctrine notamment en raison du fait qu’elle n’a pour vocation à s’appliquer qu’exceptionnellement dans des situations particulières et risque d’aboutir, à la différence d’une nouvelle coutume internationale, à des inégalités de traitement si elle est utilisée à une échelle mondiale.[38]

 

Enfin, une dernière possibilité serait la conclusion de traités bilatéraux ou multilatéraux entre les Etats riverains prévoyant expressément l’immuabilité des zones maritimes[39].

 

D’un point de vue plus pratique, le gel des zones maritimes pose également certaines difficultés :

 

Tout d’abord, beaucoup d’Etats n’ont pas encore publié et déposé auprès du Secrétaire général des Nations Unies, les cartes de leurs zones maritimes indiquant les lignes de base droites, les lignes de base archipélagiques et les limites extérieures de la mer territoriale, de la zone économique exclusive et du plateau continental (articles 16 § 2, 47 § 9, 75 § 2 et 84 § 2 UNCLOS) (Au 13 novembre 2012, seuls 56 Etats signataires de la Convention UNCLOS l’ont fait[40]). Aussi, les pays en voie de développement ne disposent souvent pas de ressources suffisantes pour effectuer les relevés et les études scientifiques nécessaires.[41]

 

Enfin, il demeure aujourd’hui de nombreuses disputes entre certains pays au sujet de la délimitation actuelle de leurs frontières maritimes. A titres d’exemples on peut citer le cas des îles Spratly qui font l’objet de revendications de la part de la Chine, de Taiwan, du Vietnam, de la Malaisie, du Brunei et des Philippines[42] ou encore le conflit sino-japonais en mer de Chine[43]. Ce sont autant de problèmes qui devront être résolus avant de pouvoir trouver un consensus sur le gel des espaces maritimes.

 

Conclusion

On l’a vu, la montée du niveau des mers en raison du réchauffement climatique va engendrer d’importantes frictions entre les Etats au sujet de la délimitation des zones maritimes. Plus d’un demi-siècle de négociations sur le droit de la mer se trouve ainsi aujourd’hui menacé. Sans doute, la meilleure alternative consisterait à maintenir tel quel le tracé actuel des frontières maritimes. Mais pour parvenir à cette solution, des changements notamment sur le plan juridique, sont nécessaires. Or, seul un dialogue entre les Etats peut permettre d’adopter une position commune. Au vu toutefois de la récente escalade des tensions entre les Etats au sujet de l’exploitation des ressources marines (à propos de l’Arctique ou de la mer de Chine par exemple), on peut douter que les pays soient prêts à faire le pas. Pourtant, il y a urgence….

 

 

Bibliographie

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  • WEI David, DAWES Ruth, MAXWELL Lain, FOUNDATION FOR INTERNATIONAL ENVIRONMENTAL LAW AND DEVELOPMENT, Receding maritime zones, uninhabitable states and climate exiles, How international law must adapt to climate change, 2011,

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[1] L’EXPRESS.FR, Tuvalu: victime du réchauffement climatique, article du 12 mars 2008,

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/tuvalu-victime-du-rechauffement-climatique_471056.html.

[2] LEMONDE.FR, Le niveau de la mer augmenterait d’un mètre d’ici à 2100, article du 23 mai 2011,

http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/05/23/le-niveau-de-la-mer-augmenterait-d-un-metre-d-ici-a-2100_1

525867_3244.html.

[3] VEDURA, Inondations des zones côtières par la montée du niveau des mers,

http://www.vedura.fr/environnement/eau/inondations-zones-cotieres-montee-niveau-mers.

[4] LEMONDE.FR, Des îles artificielles pour contrer la montée des eaux, article du 13 septembre 2011,

http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/09/13/des-iles-artificielles-pour-contrer-la-montee-des-eaux/.

[5] PANCRACIO Jean-Paul, Droit de la mer, 1ère édition, Dalloz (2010), p. 128-129.

[6] VINCENT Philippe, Droit de la mer, Larcier (2008), p. 125.

[7] PANCRACIO Jean-Paul, op. cit., p. 155. HOUGHTON Katherine J., VAFEIDIS Athanasios T., NEUMANN Barbara and PROELSS Alexander, Maritime boundaries in a rising sea in Nature Geoscience, Vol. 3, Issue: 12, Nature Publishing Group (2010), p. 813.

[8] PANCRACIO Jean-Paul, ibid.

[9] VINCENT Philippe, op. cit., p. 26.

[10] VINCENT Philippe, op. cit., p. 46 et 86.

[11] VINCENT Philippe, op. cit., p. 30.

[12] VEDURA, op. cit..

[13] LUSTHAUS Jonathan, Shifting Sands: Sea Level Rise, Maritime Boundaries and Inter-state Conflict, Politics (2010), vol. 30(2), p. 115-116; SOONS A.H.A., The Effects of a Rising Sea Level on Maritime Limits and Boundaries, Netherlands International Law Review, 37, (1990), p. 208.

[14] LUSTHAUS Jonathan, op. cit., p. 114; RABUTEAU Yann, Zone Economique Exclusive et changement climatique…, article du 19 mars 2009, http://envmar.blogspot.com/2009/03/zone-economique-exclusive-et-changement.html; SOONS A.H.A., op. cit., p. 216.

[15] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, Maritime Rights of Coastal States and Climate Change: Should States Adapt to Submerged Boundaries?, World Bank Law and Development Working Paper Series No. 5, http://siteresources.worl dbank.org/INTLAWJUSTICE/Resources/L&D_number5.pdf, p. 16; LUSTHAUS Jonathan, op. cit., p. 115.

[16] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 17; LUSTHAUS Jonathan, op. cit., p. 114 et 116; SOONS A.H.A., op. cit., p. 217-218.

[17] SOONS A.H.A., op. cit., p. 218-219.

[18] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 16; LUSTHAUS Jonathan, op. cit., p. 115-116.

[19] SOONS A.H.A., op. cit., p. 220-222.

[20] HOUGHTON Katherine J., VAFEIDIS Athanasios T., NEUMANN Barbara and PROELSS Alexander, op. cit., p. 813.

[21] CARON David D., When Law Makes Climate Change Worse: Rethinking the Law of Baselines in Light of a Rising Sea Level, Ecology Law Quarterly 17 (1990), p. 634; DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 17.

[22] CARON David D. (1990), ibid; DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 17; REED Michael W., Shore and Sea Boundaries, The development of international maritime boundary principles through United States practice, vol. 3, 2000, p. 185.

[23] CARON David D. (1990), op. cit., p. 635.

[24] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 15.

[25] CARON David D. (1990), op. cit., p. 644-645 et 646-647.

[26] CARON David D. (1990), op. cit., p. 640-641.

[27] CARON David D. (1990), op. cit., p. 639-640; SOONS A.H.A., op. cit., p. 222-223.

[28] COURRIER INTERNATIONAL, « Des îles qui servent de frontières », article du 27 mai 2011,

http://www.courrierinternational.com/breve/2011/05/27/des-iles-qui-servent-de-frontiere.

[29] HOUGHTON Katherine J., VAFEIDIS Athanasios T., NEUMANN Barbara and PROELSS Alexander, op. cit., p. 815; KOTANI Tetsuo, A new maritime dispute? Japan’s Okinotorishima policy and its implications, Dokdo Research Journal (2010), vol. 11.

[30] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 25-26; PANCRACIO Jean-Paul, op. cit., p. 270-271.

[31] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 21.

[32] Pour une opinion contraire, SOONS A.H.A., op. cit., p. 227-229.

[33] HOUGHTON Katherine J., VAFEIDIS Athanasios T., NEUMANN Barbara and PROELSS Alexander, op. cit., p. 816.

[34] CARON David D., Climate Change, Sea Level Rise and the Coming Uncertainty in Oceanic Boundaries: A Proposal to Avoid Conflict (2008), p. 14 ss.

[35] CARON David D. (1990), op. cit., p. 634-635; WEI David, DAWES Ruth, MAXWELL Lain, FOUNDATION FOR INTERNATIONAL ENVIRONMENTAL LAW AND DEVELOPMENT, Receding maritime zones, uninhabitable states and

climate exiles, How international law must adapt to climate change, 2011, http://www.field.org.uk/files/climate_exiles_dw.pdf, p. 2-3.

[36] SOONS A.H.A., op. cit., p. 225-226.

[37] ANNUAIRE DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL, Régime juridique des eaux historiques, y compris les baies historiques, vol. II, 1960, http://untreaty.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_143.pdf.

[38] SOONS A.H.A., op. cit., p. 223-225.

[39] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 21; WEI David, DAWES Ruth, MAXWELL Lain, FIELD, op. cit., p. 4.

[40] DIVISION FOR OCEAN AFFAIRS AND THE LAW OF THE SEA (DOALOS), Maritime Space: Maritime Zones and Maritime Delimitation, état au 13 novembre 2012,

http://www.un.org/depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/depositpublicity.htm.

[41] DI LEVA Charles, MORITA Sachiko, op. cit., p. 26 et 29.

[42] CLARK Helen, THE CHRISTIAN SCIENCE MONITOR, Vietnam-China Spratly Islands dispute threatens to escalate, article du 16 juin 2011, http://www.csmonitor.com/World/Asia-Pacific/2011/0616/Vietnam-China-Spratly-Islands-dispute-threatens-to-escalate; HOUGHTON Katherine J., VAFEIDIS Athanasios T., NEUMANN Barbara and PROELSS Alexander, op. cit., p. 815-816.

[43] NIQUET Valérie, Mer de Chine: la guerre menace, article du journal LE MONDE.FR du 24 septembre 2012,http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/09/24/mer-de-chine-la-guerre-menace_1764594_3232.html.