Nouvelle jurisprudence du TF en matière de bouclier fiscal à Genève

Le bouclier fiscal ; Ce sujet a déjà fait couler beaucoup d’encre en Suisse et particulièrement à Genève. Les parlementaires s’écharpent régulièrement en la matière faisant ressurgir le clivage gauche/droite.

La raison ? La Suisse est l’un des derniers pays au monde à imposer la fortune. Cet impôt est prélevé au niveau cantonal uniquement et de grandes disparités subsistent entre les cantons (entre 0.25% et 1%). Dans la mesure où avec la situation économique actuelle les rendements de la fortune sont nuls voir négatifs (suite notamment à l’introduction des intérêts négatifs par la Banque nationale suisse), la taxation helvétique se rapproche de la confiscation. Il est en effet fréquent que le rendement de la fortune soit inférieur aux taux d’imposition. Aussi, si ce n’est pas l’imposition au titre du revenu qui pose problème, c’est bien le poids et le cumul de l’impôt sur la fortune qui peut s’avérer confiscatoire.

Genève dispose d’ailleurs de la palme avec un impôt sur la fortune avoisinant les 1% ! C’est donc si l’enjeu est important pour le contribuable.

Pour atténuer l’érosion du patrimoine et l’impact de cette fiscalité très lourde, le peuple genevois a introduit un bouclier fiscal limitant à 60% du revenu net imposable les impôts sur la fortune et le revenu. Il faut y ajouter les 11,5% de l’impôt fédéral direct (IFD). L’imposition totale peut donc atteindre 71,5% du revenu imposable. Afin de lutter contre les risques d’abus, le système prévoit toutefois un revenu théorique minimum de 1% de la fortune nette.

Certains partis de gauche ont déposé dernièrement pas moins de dix projets de loi visant à supprimer, limiter ou suspendre ce mécanisme, au risque de faire fuir les contribuables vers d’autres horizons.

Le débat autour du bouclier fiscal à Genève a déjà fait couler beaucoup d'encre.

Le bouclier fiscal est fondamental à Genève en raison du haut taux d’imposition sur la fortune.

Dans l’attente de l’issue des débats parlementaires à Genève, le Tribunal fédéral a rendu en date du 7 août 2018 deux arrêts en la matière (2C_869/2017 et 2C_870/2017), qui pour une fois sont en faveur du contribuable.

Le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer sur le contenu du texte de l’article 60 de la Loi sur l’imposition des personnes physiques genevoise (LIPP), dans des situations où, en raison de charges déductibles non contestées, les contribuables ont déclaré un revenu imposable égal à zéro. En revanche, ces derniers disposaient d’une fortune assez conséquente mais de rendements faibles.

A noter que le terme de « bouclier fiscal » n’apparaît pas en tant que tel dans la LIPP, puisque que la disposition y relative fait simplement référence à une « charge maximale ».

Selon l’article 60 de ladite loi, il est prévu :

« 1. Pour les contribuables domiciliés en Suisse, les impôts sur la fortune et sur le revenu – centimes additionnels cantonaux et communaux compris – ne peuvent excéder au total 60% du revenu net imposable. Toutefois, pour ce calcul, le rendement net de la fortune est fixé au moins à 1% de la fortune nette.

  1. Sont considérés comme rendement net de la fortune, au sens de l’alinéa 1 :
  2. a) les revenus provenant de la fortune mobilière et immobilière, sous déduction des frais mentionnés à l’article 34, lettres a, c, d et e; et

[…]. »

Selon le raisonnement de l’administration fiscale genevoise, suivie par celle de la Cour de justice, afin de calculer la charge maximale d’un contribuable, il y a toujours lieu de prendre en compte un rendement net de la fortune fixé à au moins 1% de la fortune nette, et ce peu importe le rendement réel de celle-ci. Il ressort de ce principe que la charge maximale du contribuable est dans tous les cas au minimum à 60% de 1% de sa fortune nette.

Par exemple : X possède une fortune nette de CHF 10 millions. Les rendements nets de X pour l’année 2017 s’élèvent à CHF 50’000. Dans la mesure où les revenus de X sont inférieurs à 1% de sa fortune nette, la deuxième phrase de l’article 60 al. 1 LIPP/GE s’applique. Le 1% correspond à CHF 100’000. Selon la Cour de justice, la charge maximum de X est de CHF 60’000 (60% de CHF 100’000).

Le Tribunal fédéral a jugé cette interprétation insoutenable et partant arbitraire sous l’angle de l’article 9 Cst. En effet, la loi prévoit seulement que « le rendement net de la fortune est fixé au moins à 1% de la fortune nette ».

Or, l’interprétation de la Cour de justice qui revient à dire que « le revenu net imposable est fixé à au moins 1% de la fortune nette », ne correspond pas aux termes clairs de la loi. La norme prévoit uniquement que la fortune est présumée produire un rendement minimum de 1%. Il s’agit d’éviter par exemple qu’un contribuable décide de placer toute sa fortune dans une société, de thésauriser les revenus de celle-ci et de ne verser aucun dividende. Dans une telle hypothèse sans la précision de la loi la charge maximale serait de CHF 0 (60% du revenu net imposable qui serait de CHF O en l’espèce).

Il ressort de ce qui précède que selon les circonstances, le revenu net imposable peut être inférieur à 1% de la fortune nette par exemple si le contribuable peut faire valoir des déductions (frais d’entretien des immeubles, intérêts hypothécaires, assurance maladie, contribution d’entretien, etc.), comme cela était le cas en l’espèce. Dans l’exemple ci-dessus, si X peut faire valoir des déductions à hauteur de CHF 20’000, la charge maximum sera de CHF 40’000 et non de CHF 60’000.

En conclusion, si dans le calcul du bouclier fiscal, le rendement net de la fortune (qui n’est qu’une composante du revenu net imposable) doit être fixé à au moins 1% de la fortune nette, cela ne signifie pas que le revenu net imposable doive lui-même s’élever à 1% de la fortune nette.

Le Tribunal fédéral relève encore que la loi vaudoise (article 8 LICom/VD), qui a servi de fondement à l’administration fiscale genevoise pour fonder sa décision, est rédigée d’une manière différente et prévoit expressément la non-déduction de certains frais dans le calcul de la charge maximum du bouclier fiscal.

Eclairage sur le nouvel Impôt sur la Fortune Immobilière français (IFI)

Origine de l’ IFI

De 1989 à 2017, la France a connu un impôt sur la fortune appelé « Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) ».

L’ISF était dû lorsque la fortune nette du contribuable dépassait les 1.3m €. Le taux était progressif (entre 0.5% et 1.5%) et l’impôt se calculait à partir d’un seuil de 800’000 €.

Cet impôt avait été largement critiqué ces dernières années, notamment en raison du fait qu’il taxait les personnes disposant d’un patrimoine important mais pas nécessairement de revenus élevés.

Le président Macron avait également déclaré que cet impôt pénalisait les investisseurs de l’économie réelle, promettant ainsi de l’abolir et de le transformer en impôt immobilier uniquement.

Depuis janvier 2018 c’est chose faite, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été supprimé et remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Sur la forme, cet impôt reste très critiquable dans la mesure où il taxe uniquement les propriétaires fonciers et non les détenteurs de produits financiers ou de luxe. Aussi, il ne règle pas le problème des personnes disposant de revenus modestes mais d’un important patrimoine immobilier, par exemple reçu suite à un héritage. Enfin, la perte fiscale pour l’Etat français avoisinera plusieurs milliards d’euros.

Régime applicable

Une distinction doit préalablement être faite entre résidents et non-résidents : en effet, les résidents français sont soumis à l’ IFI sur leurs biens immobiliers mondiaux (un délai de grâce de 5 ans est néanmoins accordé aux nouveaux résidents sur leurs biens situés à l’étranger). Les non-résidents en revanche sont uniquement taxés sur leurs propriétés situées en France, sous réserve de dispositions contraires, applicables dans les conventions de lutte contre la double imposition.

Afin de déterminer la valeur seuil du déclenchement de l’impôt (voir ci-dessous), la fortune immobilière totale du ménage est prise en compte, à condition toutefois que les personnes concernées vivent ensemble (époux, enfants mineurs uniquement, partenaires y compris en union libre). Les immeubles commerciaux ne sont pas concernés, de même que les immeubles détenus par des sociétés, sous réserve des exceptions mentionnées ci-dessous.

Ainsi, sont soumis à l’ IFI :

  • Les immeubles bâtis et non bâtis (résidence principale, secondaire, biens immobiliers donnés en location, biens immobiliers en construction, terrain…) ;
  • Les actions de sociétés civiles immobilières (SCI) ;
  • Les parts détenues dans des fonds comme les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ou les organismes de placement collectif en immobilier (OPCI), y compris celles détenues par l’intermédiaire d’une assurance-vie ;
  • Les actions de sociétés détenant un immeuble, à concurrence de la valeur de celui-ci et à la condition que l’actionnaire possède au moins 10% du capital-actions de ladite société.
  • Les biens et droits immobiliers transférés en fiducie ou placés dans un trust.

A noter que c’est la valeur vénale de l’immeuble au 1er janvier qui est déterminante. En d’autres termes, il s’agit du prix auquel l’immeuble aurait pu être normalement négocié s’il avait été vendu au 1er janvier de l’année d’imposition.

Les résidences principales et les propriétés louées bénéficient respectivement d’un abattement de 30% sur la valeur de marché du bien et de 20% en considérant un taux de capitalisation du loyer de 5%. Les bois et forêts et les parts de groupements forestiers sont exonérés pour les 3/4 de leur valeur.

Concernant les propriétés en usufruit, la valeur déterminante est calculée sur la pleine propriété (et payée par l’usufruitier) sauf si l’un des époux a hérité de l’immeuble sur cette base (il se produit alors une séparation entre la valeur de l’usufruit calculée en fonction de l’espérance de vie de l’usufruitier et la valeur de la nue-propriété).

Les dettes (résultant de l’achat, de l’amélioration, de l’agrandissement du bien, etc.) existantes au 1er janvier sont en principes déductibles, sous réserves d’abus (par exemple s’agissant des dettes contractées à un taux préférentiel entre les membres d’une même famille), de dépassement de valeurs seuils (dans l’hypothèse où la propriété du bien est supérieure à 5m €, seulement 60% de la valeur du bien est déductible, le montant restant de la dette n’étant déductible qu’à hauteur de moitié) ou de traitement fiscal avantageux (par exemple en cas de paiement de la totalité du capital à la fin du prêt, soit les prêts dits « in fine », ou les prêts ne prévoyant pas de terme pour le remboursement du capital).

Le seuil de déclenchement de l'IFI demeure inchangé à 1.3m d'euros.

Taux

Comme pour l’ISF, l’ IFI n’est redevable que si le patrimoine immobilier a une valeur nette imposable supérieure au seuil de 1’300’000 €.

Les taux pour 2018 sont les suivants :

Valeur de l’immeuble

  • entre 0 € et 800’000 €, pas d’imposition ;
  • entre 800’001 € et EUR 1’300’000 €, taux de 0.5% ;
  • entre 1’300’001 € et EUR 2’570’000 €, taux de 0.7% ;
  • entre 2’570’001 € et 5’000’000 €, taux de 1% ;
  • entre 5’000’001 € et 10’000’000 €, taux de 1.25% ;
  • Au-delà de 10’000’000 €, taux de 1.5 %.

Un bouclier fiscal s’applique aux résidents français dans la mesure où l’impôt ne doit pas dépasser 75% du revenu (prélèvements sociaux et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus inclus).

Enfin, un système de décote permet d’atténuer l’impôt, mais uniquement pour les patrimoines nets taxables compris entre 1’300’000 € et 1’400’000 €.

Le montant de la décote est égal à 17’500 – (1,25 x montant du patrimoine net taxable ).

Déclaration

L’IFI est un impôt déclaratif : il appartient à tout propriétaire foncier d’estimer chaque année si son immeuble est soumis à taxation. Les autorités ne demandent pas de justificatif mais il existe un service en ligne “rechercher des transactions immobilières”, accessible aux particuliers. En revanche, si les autorités estiment que l’immeuble aurait dû être soumis à l’impôt, elles peuvent reprendre le contribuable rétroactivement sur une période de 10 ans.

L’impôt (formulaire 2042-IFI pour les résidents français ou non-résidents mais avec une obligation fiscale en France et 2042-IFI-COV pour les non-résidents sans revenus de source française ; A NOTER QUE CES FORMULAIRES NE SONT PAS ENCORE DISPONIBLES) doit être déclaré en même temps que celui sur le revenu, soit à la fin du mois de mai de chaque année (les dates exactes pour 2018 ne sont pas encore connues). La déclaration peut être faite en ligne (parfois cela est même obligatoire). Le paiement devra être effectué après réception de l’avis avec un règlement au 15 septembre en général (17 septembre pour 2018).

Pour les non-résidents, il convient de s’adresser à :

Service des Impôts des Particuliers Non-Résidents,

TSA 10010, 10 rue du Centre,

93465 Noisy-le-Grand